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n’a pas, en effet, le droit de retrouver à priori ce que l’on sait à posteriori du système nerveux et de l’organe encéphalique. Autrement il arrive qu’en donnant comme nécessaire la structure diverse des éléments organiques, on s’arrête dans ses déductions juste au point où s’arrêtent les descriptions des physiologistes et des anatomistes. Il n’y a ni grand mérite ni grande utilité à inférer ce qui est connu. Il y en aurait à indiquer à la physiologie et à l’anatomie de nouvelles recherches en se basant sur l’étude subjective de l’homme. L’auteur le sent bien ; mais, quand il aborde ce sujet, son apriorisme tourne dans le même cercle vicieux, dont les découvertes de la science remplissent l’aire tout entière.

Mais voici qui est assurément plus grave. M. Corleo nous avait démontré, ne l’oublions pas, que toutes les manifestations mentales, jusqu’aux plus élevées, résultent du groupement divers en nombre et en position des substances. Voici, du reste, ses propres termes : « Par les raisons que j’ai plusieurs fois répétées, l’abstraction ne peut naître dans une entité seule ; évidemment elle indique la pluralité, un élément qui s’abstrait et se détache, qui se subdivise encore en sous-parties, qui à leur tour se détachent et s’abstraient, se synthétisent, s’unissent à d’autres parties dans d’autres nouveaux groupes. » Il nous montre, en effet, dans l’homme, à l’exclusion des autres animaux, « cette forme spéciale de l’organe nerveux central, qui permet dans l’ensemble fonctionnel l’isolation des fonctions et sous-fonctions, et leur conjonction ultérieure avec de nouvelles fonctions complexes. » (P. 193.) De même, passant à l’examen de la volonté, il en fait l’analyse organique, à peu près comme le ferait un physiologiste ou un philosophe physiologiste. « Dans le mouvement réflexe concourt le centre partiel ; dans l’acte volontaire, le centre commun, ou la somme des centres existant pour l’ordinaire dans l’encéphale. » (P. 422.) Il repousse énergiquement le dogme de la liberté d’indifférence. « Dans le système de ceux qui admettent diverses puissances dans l’un, le développement de pareilles actions dans un être seul, il ne peut y avoir raison de se développer d’une façon plutôt que d’une autre, l’un devant toujours être identique par rapport à toutes ses puissances internes (P. 224.) » Et plus loin : « Les faits démontrent que toute volition est motivée, et qu’entre les divers motifs constamment il y en a un qui acquiert la prépondérance sur les autres, et qu’il est la cause déterminante de l’acte du vouloir. » (P. 225.) Il devrait être entendu que tout motif, lui aussi, est une résultante d’un groupement d’unités actives, de substances impotentielles. Mais la question prend ici une face inattendue. M. Corleo attribue le fait de l’abstraction à la diminution fonctionnelle de la matière organique ; de même, la mémoire la plus sûre est celle qui divise les idées selon leurs catégories et au moyen d’une idée rappelle toutes les idées subordonnees… Pouvoir tenir à volonté une idée sous l’œil de l’intelligence… dépend de cette possibilité que les fonctions organiques complexes des perceptions se divisent en autant de parties moin-