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L’ÉCOLE DE SCHOPENHAUER


La philosophie de Schopenhauer repose sur cette pensée, prise dans Schelling et dans Jacques Böhme, que la volonté est l’être du monde (panthélisme) ; toutefois elle n’est pas le développement systématique et unitaire de cette pensée fondamental mais un conglomérat de plusieurs doctrines, se contredisant le plus souvent et émanant de sources absolument différentes. L’idéalisme subjectif ou la doctrine que les formes de nos intuitions et de nos pensées n’ont qu’une valeur et une signification subjectives, mais nullement transcendantales, Schopenhauer la prit à l’esthétique et à l’analytique transcendantales de Kant, sans avoir égard aux éléments réalistes de la théorie kantienne de la connaissance. L’idéalisme objectif, il le dut à la théorie des idées de Platon avec une forte teinte empruntée à Schelling ; le matérialisme, il le dut au courant scientifique moderne ; quant au pessimisme, il le développa en partie d’après sa propre disposition innée au pessimisme, en partie d’après les germes qui s’en trouvaient çà et là dans les œuvres de Kant. Sa teinte ascétique et quiétiste, ce pessimisme la reçut de la connaissance des religions de l’Inde ; ce fut elle aussi qui le confirma dans l’idéalisme rêveur ; pour la doctrine du premier rang assigné à la volonté dans la conscience elle est le trait fondamental de la philosophie de Fichte. L’idéalisme subjectif est tout aussi inconciliable avec le matérialisme qu’avec l’idéalisme objectif et le panthélisme ; le matérialisme est inconciliable avec l’idéalisme objectif et le panthélisme, et ces deux derniers sont, il est vrai, pas inconciliables, mais semblent l’être dans le système de Schopenhauer, parce qu’ils ne sont pas mis dans leur vrai rapport l’un avec l’autre[1]. Toute tentative de pénétrer (par la pensée) ce système, vraie mosaïque composée d’aperçus en forme d’aphorismes, doit mettre au jour telles ou telles incompatibilités entre ses éléments.

Dans ces circonstances, on comprend que la philosophie de Scho-

  1. Compar. mes Ges. Studien und Aufsätze, D, IV, « Schopenhauers panthelismus. »