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E. DE HARTMANN. — l’école de schopenhauer

penhauer, parce que lui seul, de tous les Schopenhauériens, a essayé de restituer leurs droits aussi bien au monisme qu’à l’individualisme, c’est-à-dire de maintenir en principe le monisme, mais de faire place au dedans de lui à l’individualisme phénoménal objectif. Il faut lui faire un mérite particulier d’avoir reconnu que cette réunion du monisme avec l’individualisme objectif des phénomènes ne peut être atteinte qu’en sacrifiant l’idéalisme subjectif, tout aussi bien qu’un pur individualisme qui renonce à tout monisme. Il n’y a à lui reprocher que l’erreur historique de croire que, par cette rupture avec l’idéalisme subjectif, il représente en même temps l’opinion vraie, l’opinion proprement dite de Schopenhauer. Le matérialisme, l’idéalisme objectif et le pessimisme, il ne les maintient que sous une forme très affaiblie et rejette même tout à fait l’expression de pessimisme. En élaguant l’idéalisme subjectif, il débarrasse, il est vrai, le système de toutes les contradictions où cet élément se trouve avec tous les autres systèmes, surtout avec le matérialisme ; mais les contradictions entre le matérialisme et l’idéalisme objectif il semble les remarquer tout aussi peu que le rapport insoutenable, chez Schopenhauer, de l’idéalisme objectif au panthélisme. Voilà pourquoi sa correction faite au système est insuffisante, sans compter qu’elle amoindrit et affaiblit les problèmes les plus importants.

Bilharz concentre son intérêt sur la philosophie de la nature, c’est-à-dire sur la réconciliation du panthélisme et du matérialisme, ce qui lui réussit en principe, en ce qu’il remplace le matérialisme par un dynamisme atomistique. Ce que nous trouvons subjectivement en nous comme volonté se présente objectivement comme force ; c’est sur cette identité de la force et de la volonté qu’il édifie sa conception du monde, où il a principalement pour but de réconcilier la physique avec la métaphysique de la volonté de Schopenhauer. Mais pour cela l’idéalisme subjectif proclamé avec enthousiasme ne peut lui être qu’un embarras ; car tout ce que l’on peut dire de la force au sens objectif tourne autour d’une force influencée par une autre, c’est-à-dire autour d’une causalité transcendante et autour de lois dont les formules mathématiques se meuvent dans les relations de temps, de chemin suivi ou parcouru et de vitesse. Ces formules n’auraient pas de valeur transcendantale, si l’espace et le temps n’en avaient pas ; le jeu des forces serait simplement un jeu subjectif de l’imagination, sans réalité objective, s’il ne produisait de lui-même et par sa propre activité l’espace et le temps. C’est ce que sent bien Bilharz, et il distingue la représentation subjective d’espace de l’espace objectif, comme la moitié négative d’une figure de sa moitié positive, ou comme l’empreinte de cire, du cachet. Indépendamment de ce que cette image