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nières dépendent d’une région des couches corticales située en dehors du centre visuel. L’association nous montre donc qu’une excitation doit être transmise du centre visuel au centre moteur. Quand donc nous disons qu’il y a une association nécessaire entre la couleur et l’étendue, cela signifie, au sens physiologique, que l’excitation est transmise sans exception du centre visuel à la sphère motrice ; et cela ne peut signifier rien de plus. Pourquoi cette excitation est-elle transmise sans exception ? C’est là une question qui rentre dans le domaine de l’anatomie et de la physiologie et non de la psychologie proprement dite. Je peux très bien imaginer que les connexions entre le centre visuel et les éléments moteurs soient détruites par quelque processus morbide, et par suite l’association serait dissoute. Dans cet état, un homme se représenterait les couleurs à peu près comme nous nous représentons le son ; ce serait une qualité sensible sans étendue.

L’espace est donc une représentation associée, dans laquelle sont contenus d’une part les lieux (die Orte) comme éléments d’espace et d’autre part l’étendue. Les lieux (ou endroits affectés) comme éléments d’espace sont donnés par la rétine. L’excitation lumineuse, en agissant sur elle, ne produit pas seulement la représentation de lumière, mais aussi de lieu. Lieu et couleur sont indissolublement liés l’un à l’autre ; ce sont des fonctions psychiques d’un seul et même filet nerveux. La représentation de lieu et de couleur d’une part, comme celle d’étendue d’autre part nous sont données par des propriétés spécifiques des nerfs ; chacun en soi dépend originairement de cette propriété, quoique toutes deux réunies nous donnent pour la première fois la représentation de l’espace.

Le lecteur aura sans doute remarqué que la thèse soutenue par l’anatomiste viennois offre beaucoup d’analogie avec d’autres doctrines émises en Angleterre ou en Allemagne ; mais il semble y être arrivé d’une manière indépendante ; car il avoue (p. 49, note) être peu versé dans l’histoire de la psychologie, et il ne paraît connaître les Anglais que par le livre de Stumpf. Il a, en tout cas, groupé à l’appui de sa thèse un grand nombre de détails qui, à ma connaissance, ne sont nulle part ailleurs.

Th. Ribot.