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ANALYSES.J. Frohschammer. Genesis der Menschheit.

J. Frohschammer.Ueber die Genesis der Menschheit und deren geistige Entwicklung in Religion, Sittlichkeit und Sprache (De la genèse de l’humanité et de son développement spirituel en matiere de religion, de moralité de langage). 1 vol.  in-8o, xvi-525 pp.  Munich, Adolf Akermann. 1883.

Si M. de Hartmann tient pour l’Inconscient, M. Frohschammer croit devoir, pour sa part, élever des autels au dieu Fantaisie. Le présent volume est la seconde pierre apportée à cet édifice. En voyant se repeupler l’Olympe de la philosophie, qu’une école naïve s’était flattée d’avoir purgé pour l’éternité de toute espèce de propriétaire, nous devenons rêveur. Par déférence pour de si gros in-octavo, nous serions tenté de dire d’un ton diplomatique : Ce sont deux puissants dieux. Mais nous craindrions d’entendre sortir en même temps de deux poitrines indignées ce cri, vengeur à la fois de l’Inconscient et de la Fantaisie : « Lui seul est Dieu (Monsieur) et le (sien) n’est rien. » — Enregistrons donc purement et simplement le nouveau candidat à l’empire du monde. Que le dieu Inconscient consente à lui laisser décliner aujourd’hui ses titres !

Ainsi, M. Frohschammer avait établi dans un précédent ouvrage que la Fantaisie est le principe fondamental du processus du monde, et aujourd’hui il nous montre à l’œuvre cette entité métaphysique dans le développement historique de l’humanité, particulièrement dans le triple domaine de la religion, de la moralité et du langage.

Cependant, avant de dire quelques mots de ce volume, nous devons constater que, contrairement à la première apparence, l’auteur se défend d’identifier complètement la « Fantaisie conçue comme principe fondamental du développement du monde » avec l’idée même de Dieu. Tenant cette question pour métaphysique au sens étroit du mot, il se réserve d’en traiter ultérieurement : pour le moment, il traite du développement de la nature et de l’histoire au seul point de vue de l’immanence. Ainsi « la tâche qui incombe au présent ouvrage peut aboutir en dehors de cette recherche théologico-métaphysique, puisque son objet est seulement de ramener à un principe unique et fondamental les formations et les activités que montrent la nature et l’histoire. De même que la science physique peut poursuivre et achever sa tâche, consistant à expliquer les efforts et actions mécaniques de la nature la plus variée et la plus compliquée par un principe primordial mécanique, sans même poser la question du pourquoi et de l’essence métaphysique propre de ce principe… ; ainsi, l’on peut expliquer la formation organique, la vie psychique et l’activité de l’esprit par un principe fondamental, sans avoir préalablement résolu la question du pourquoi et de l’essence propre dudit principe. Au contraire, il est naturel de tirer d’abord au clair la manière dont se présentent et agissent les choses avant de rechercher le principe qui est à leur base. » Ces remarques sont très légitimes ; cependant M. Frohschammer doit bien avouer — et il l’avoue, en