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BÉNARD. — problème de la division des arts

La division est donc assujettie à la loi du ternaire, et celle-ci se reproduit partout dans les subdivisions comme dans l’ensemble. Trois moments ou formes successives de l’art la mesurent ou la déterminent. La gradation est celle-ci : 1o au premier rang, l’art des sons, la musique ; 2o au second rang, les arts figuratifs ; 3o au troisième, la poésie. Chacun de ces genres ou groupes engendre selon la même loi du ternaire le nombre neuf, qui est celui des Muses.

Il serait superflu d’entrer dans le détail et l’explication de ce processus, que les hégéliens eux-mêmes ont déclaré peu correct, arbitraire et subtil, et par conséquent nous-même de le critiquer. Ce qui est à remarquer, c’est l’introduction du nombre ternaire, au nom de la dialectique, et qui ne sortira plus de ces divisions. Il préside partout à cette marche progressive, en règle et dirige tous les pas. Le nombre trois engendre une série de triades qui se graduent ici de la manière suivante, par exemple : dans la musique, le rhythme, l’harmonie et la mélodie, dans les arts figuratifs, l’architecture, la sculpture, la peinture ; dans la poésie la poésie lyrique, épique, dramatique, etc.

Ce qui est aussi à noter, c’est, avec le besoin toujours naissant d’organisation et de systématisation scientifique qu’exige la loi du progrès ou du processus, l’abandon de la méthode descendante pour la marche ascendante ou de l’évolution, qui n’était pas ou était moins marquée dans les divisions précédentes.

Mais ce qui est bien plus encore à remarquer dans cette gradation successive et méthodique, c’est le principe même qui sert de base à la classification. Il est mal applique, sans doute ; mais il est sciemment et rigoureusement appliqué. C’est celui de la spiritualisation ou de l’idéalisation progressive des formes de l’art comme devant être la règle et la mesure unique pour marquer les degrés, dresser l’échelle et constituer la hiérarchie des arts particuliers.

Un autre esthéticien qui est regardé comme un antécédent et un précurseur de Hegel et qui, à cause de l’importance de ses écrits sur le beau et l’art, ne peut être omis dans cette revue, quoique sa place eût peut-être dû être ailleurs est K.-Fr. Solger. Nous devons aussi quelque attention à sa classification des arts, quoiqu’elle soit peu précise et peu satisfaisante.

Il est bon de voir comment le principe qui est le vrai principe tend partout à prévaloir, quoiqu’il reçoive des applications diverses plus ou moins heureuses et rigoureuses.

Le beau, pour Solger comme pour Schelling, pour Kant, pour Weisse, se définit « la manifestation de l’essence ou de l’idée, apparaissant à l’esprit, sous des formes sensibles » (Erwin, 257 ; Vorles.