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BÉNARD. — problème de la division des arts

VI

L’esthétique de Hegel n’est, à vrai dire, qu’une philosophie de l’art. Malgré ce qui a été fait depuis pour la perfectionner et la compléter, elle est restée l’œuvre la plus remarquable qui ait paru en Allemagne sur cette branche de la philosophie. Hegel, dans cette partie de son système, a cru devoir s’écarter de sa manière habituelle et de la forme qu’il avait adoptée dans d’autres de ses écrits, la Phénoménologie de l’esprit, l’Encyclopédie, etc. Il a évité la sécheresse et la sévérité abstraite d’une opposition rigoureuse et didactique, telle que le lui conseillait sa logique, pour se rapprocher davantage de la forme populaire ou littéraire. Et certes il n’y a pas tant à le regretter. La richesse des détails et des développements, la haute valeur des appréciations historiques et critiques, la grave beauté du style, ce qui est un grand attrait pour beaucoup d’esprits, sont des mérites qui, dans l’exposé d’une science comme celle-ci, sont loin d’être à dédaigner ; ils auraient été, avec une autre méthode, inévitablement perdus. Mais il y aurait erreur à croire que l’auteur ait renoncé ici tout à fait à la sienne. Quoique moins marquée, elle persiste, elle a présidé à l’ensemble et à toutes les parties. Non seulement elle a déterminé le plan total, mais toutes les divisions et subdivisions de l’ouvrage lui sont empruntées ; sa présence se fait sentir jusque dans les détails et sa manière de traiter les plus petites questions. Ainsi la division tripartite partout est observée. L’ouvrage se divise en trois parties. La première traite de l’idée du beau et de l’idéal ; la seconde des formes de l’idéal dans son développement historique ; la troisième contient le système des arts particuliers. Chacune de ces divisions elles-mêmes comporte trois moments. L’idée du beau est : 1o l’idée du beau en soi ; 2o l’idée du beau dans la nature ; 3o l’idée du beau comme l’idéal et détermination de l’idéal. L’idéal, dans son développement historique, offre trois formes principales, symbolique, classique, romantique. Le système des arts particuliers partage les arts en trois groupes : 1o l’art symbolique, dont l’architecture est le type ; 2o l’art classique, qui est surtout la sculpture ; 3o les arts romantiques : la peinture, la musique et la poésie. Cette méthode se retrouve dans les subdivisions de chaque art. Ainsi la poésie se divise en trois genres, épique, lyrique, dramatique.

Comment s’établit ce système des beaux-arts et quel principe Hegel adopte-t-il pour le motiver et le justifier ? Il semble d’abord se con-