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temporaine dans les trois grands pays où elle est surtout en honneur aujourd’hui, le concours de ces esprits différents n’a pas médiocrement contribué aux perfectionnements qu’elle a reçus et que nous nous proposons de mettre en lumière.

La logique formelle, celle dont le génie d’Aristote semblait avoir pour jamais déterminé l’objet et fixé les lois, a ressenti la première les atteintes des logiciens novateurs. Une admiration presque superstitieuse de deux mille ans l’avait protégée contre le goût du changement, et les cartésiens de Port-Royal n’avaient osé opérer sur elle que de timides réductions : elle a reçu, de notre temps, les coups les plus sensibles des mains mêmes du philosophe anglais qui s’était imposé la mission d’en ranimer le culte. On sait tout ce qu’Hamilton a fait pour remettre en honneur les théories syllogistiques, sur lesquelles pesait la double condamnation de Bacon et de Descartes, et que l’esprit compréhensif et conciliateur de Leibniz avait vainement tenté de réhabiliter. Nul mieux qu’Hamilton, après Leibniz, n’a su rappeler aux modernes trop oublieux ce qu’ils doivent à la pratique séculaire de la méthode aristotélique. Les liens où on lui a reproché d’avoir emprisonné l’essor du génie moderne ont été bien plutôt les lisières qui ont affermi ses premiers pas, guidé ses mouvements incertains, discipliné et fortifié ses muscles pour la marche. Lorsqu’il s’est senti assez fort pour s’affranchir, l’impatience et l’orgueil d’être libre lui ont fait maudire d’abord et bientôt oublier la tutelle salutaire qui l’avait protégé : il a battu sa nourrice, comme ces enfants drus et forts d’un’bon lait, dont parle notre Montaigne. Mais l’ingratitude, qu’excusent aisément l’irréflexion et le besoin d’émancipation de la jeunesse, ne convient plus au jugement expérimenté et à l’indépendance assurée de l’âge mûr. Hamilton a voulu payer la dette du génie moderne envers le grand maître de la logique antique : là est, en partie, l’originalité durable de son œuvre.

Toute fois la reconnaissance et l’admiration n’enchaînent pas la liberté de sa critique. Il ne se borne pas à débarrasser l’œuvre du Stagirite des superfétations dont le temps l’avait compliquée et qui l’appauvrissaient sous prétexte de l’enrichir. Ce n’est pas assez pour lui d’exclure de la logique d’Aristote la quatrième figure, que Galien avait maladroitement ajoutée aux théories du maître ; ou de la simplifier par d’autres modifications du même genre, dont le regard perçant de Kant avait signalé la nécessité dans son opuscule « sur la fausse subtilité des quatre figures du syllogisme ». Hamilton n’hésite pas à reprendre, après Georges Bentham, la théorie de la quantification du prédicat, et à corriger les diverses théories de la logique aristotélique sur la classification et la conversion des propositions, sur les figures et