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nisme démontré, ne serait-ce rien que d’avoir rejeté bien loin de la psychologie physiologique cet épouvantail d’une contradiction incurable entre les deux ordres de sciences ainsi associés en une seule ? Même, nous en tenant au point de vue strictement phénoménal, serait-il sans intérêt pratique de savoir que ces deux ordres coïncident quelque part ; que les deux séries de faits sont légèrement divergentes, mais enfin divergentes, de sorte qu’il existe un point où une intuition unique pourrait les saisir, point que le seul tort de Maine de Biran avait été de croire trop proche et trop apparent ? — Mais à quoi bon, puisque par rapport à l’une et l’autre série l’observateur qui est nous-même ne réalise pas cette condition indispensable, pouvoir se déplacer ? — Nous répondrons : Cet argument ne peut inquiéter qu’une psychologie superficielle ; il prend pour accordée la dualité fondamentale des deux séries de faits ; il les place vis-à-vis l’une de l’autre, comme égales, indépendantes, rivales pour ainsi dire. Le contraire est le vrai. De ces deux séries nous n’en connaissons proprement qu’une seule, celle des faits psychiques. C’est par une illusion que nous nous persuadons atteindre l’autre, celle des faits physiques ; c’est au travers et comme dans la transparence de la première qu’il nous semble découvrir la seconde. Il est donc inutile de chercher comme réclame le critique, une position d’où nous puissions contempler d’un regard les deux développements. Cette position est justement celle que chacun de nous, que lui tout le premier occupe. Peut-être ce moyen de défense excède-t-il les termes suivant lesquels le professeur Clifford a posé la question. Mais, si la théorie de l’esprit-fonds peut se maintenir, ce ne saurait être qu’en s’étayant sur l’idéalisme.

Nous ne nous sommes ainsi étendus sur l’étude de M. Gurney que parce qu’elle enfermait tout l’arsenal des critiques dirigées contre la trame de la doctrine. Il n’est peut-être pas une des articulations, pas un des ressorts de la déduction moniste que ce consciencieux investigateur n’ait éprouvé et fait jouer sous nos yeux. Nous avons, en dépit de ses inquiétudes, constaté par nous-mêmes que la machine était bonne et avait été construite suivant les règles de l’art le plus exigeant. Cette réfutation par le détail n’a, en fin de compte, rien réfuté qu’elle seule.

Nous passerons bien plus vite sur les deux articles consacrés au même sujet par M. Josiah Royce dans le Mind[1]. Non que le mérite n’en soit grand ; mais ils ont le défaut de se produire trop tard. Les brillantes objections ont été déjà moissonnées. Parmi celles que glane

  1. Mind stuff and reality (Mind, Jul. 1881, Jan. 1882).