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prise autrement aujourd’hui qu’au temps de Krause. L’esprit kantien la pénétrée ; elle ne prétend plus donner la loi générale du monde : elle veut être une partie de la théorie de la connaissance ou de la logique (Lotze). Cependant, ajoute Rabus, la tentative de l’auteur a son mérite et son intérèt.

P. Narorp. Galilée comme philosophe. — Leibnitz mettait déjà Galilée sur la même ligne que Descartes et Hobbes ; Hume le considérait comme le plus sublime génie qui eût existé, Puis on l’oublie, — Whewel et Apelt, Dühring et H. Martin lui rendent davantage justice.

Le premier grand mérite philosophique de Galilée, c’est d’avoir renversé l’autorité d’Aristote en physique, et d’en avoir appelé « à ce grand livre toujours ouvert où est écrite la vraie philosophie, à l’univers. » — La tradition renversée, quelle méthode introduit-il dans la science ? Ce n’est pas l’expérience pure à la Bacon ; il reste attaché à la méthode d’Aristote, dont il ne rejette que les applications illégitimes : principes à priori, explication des cas particuliers par les lois générales, de manière à parvenir à la science démonstrative. C’est la science à la Descartes.

Galilée est rationaliste. D’une part, il considère les mathématiques comme le modèle parfait de la science, l’idéal d’une certitude et d’une nécessité absolues. — D’autre part, l’entendement joue pour lui le premier rôle dans la science : un fait d’expérience n’est rien si l’entendement n’en saisit la raison et le principe ; l’entendement répare les défauts et supplée à la pauvreté de l’expérience ; son contrôle est nécessaire et infaillible.

Il admire par-dessus tout les hommes ayant, comme Copernic, la puissance de raison qu’il faut pour s’élever au-dessus des fausses apparences et des données sensibles. Aussi admit-il la rotation de la terre, non comme une hypothèse, mais comme une vérité affirmée par l’entendement, et la seule vraie, puisqu’elle apporte dans le monde et dans l’esprit la régularité et l’ordre ; — ici, il laisse percer des motifs esthétiques et même religieux.

Sa conception du monde, de la nécessité des lois de la nature, mathématiquement enchainées, se rapproche de celle de Démocrite, qui pénétrait en Occident, grâce à l’épicurien Lucrèce, alors dans toutes les mains, Avec plus de rigueur que Descartes, il mettait à la base de la science le principe de causalité, nettement formulé. — Les caractères des causes dernières sont identité, uniformité, simplicité. — Les premières bases de la science de la nature sont les notions de force et de substance, remarquablement exprimées par lui. — Ainsi, de tous côtés, Galilée aboutit à l’affirmation de l’organisation mécanique de la nature et l’enchaînement absolu des choses, à la négation de toute production nouvelle ou destruction absolue de force et de matière. — Ainsi il se trouve être un des fondateurs de la philosophie moderne.