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notes es discussions

Quant au travail, deux cas se présentent, d’après la forme analytique que prennent les fonctions des coordonnées qui représentent les forces :

Ou bien le travail est également une fonction des coordonnées des points du système, c’est-à-dire que, pendant une période donnée, il s’obtient sans ambiguïté par la différence de deux expressions analytiques déterminées en même temps que le sont, pour l’une la position finale pour l’autre, la position initiale de tous les points du système, sans que l’on ait à considérer la nature des chemins parcourus par ces points ni les conditions de leur mouvement pendant la période en question, C’est dans ce cas seulement que l’on peut formuler le théorème de la conservation de l’énergie ; et c’est ce qui a lieu notamment lorsque les forces sont exclusivement fonctions des distances des points matériels, dans le sens que nous avons défini plus haut.

Ou bien au contraire les formes analytiques qui représentent les forces seront telles qu’on ne puisse pas déduire les mêmes conclusions que dans le cas précédent. C’est ce second cas, qui dans la réalité a lieu ou n’a pas lieu, mais qui a évidemment, au point de vue théorique, plus de généralité que le premier, c’est ce second cas, dis-je, que nous supposons implicitement quand nous parlons de forces fonctions du temps, par opposition aux forces fonctions de la distance, auxquelles s’applique le premier cas.

Il est incontestable que, si l’on considère comme plus haut un système où n’agissent que des forces fonctions des distances, la connaissance de l’état de ce système à un moment donné suffit pour que son état, au bout d’un temps déterminé quelconque, soit aussi rigoureusement déterminé sans ambiguïté ; un tel système représente donc, aux yeux du philosophe, la nécessité ou la fatalité absolue.

Il ne peut suffire d’ailleurs, pour rompre la nécessité, d’introduire dans un tel système des forces fonctions du temps ; car toute liaison mathématique définie suppose la nécessité par cela même qu’elle est posée, que ce soit avec le temps ou avec les coordonnées de l’espace. Si l’on veut un exemple, il est une sorte de dépendance des forces par rapport au temps qui est souvent admise dans les hypothèses des problèmes de mécanique, et qui, tout en supposant un déterminisme absolu, ne se prête point à l’application du théorème de la conservation de l’énergie. Cette dépendance a lieu par l’intermédiaire de la vitesse, qui s’exprime analytiquement en fonction du temps ; ainsi on admet qu’un mobile subit de la part du milieu où il se meut une résistance variant avec la vitesse du mouvement ; il est clair que des forces de cette nature ou d’autres analogues ne peuvent en aucune façon répondre aux conditions de la conciliation cherchée par les partisans de la liberté.

Mais j’ai à faire une autre remarque d’une importance beaucoup plus capitale. Si l’on veut conserver les données primitives du système mécaniste, c’est-à-dire l’hypothèse des points matériels et des forces s’exerçant uniquement entre couples de ces points, suivant la droite