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BONATELLI. — sensations et perceptions

localisation, en partie par le concours d’autres processus, dont nous perlerons tout à l’heure, se produit ce que l’auteur appelle extériorité et que je préfère appeler projection des images. Par cette projection, le monde des sensations se transforme dans le monde des formes et des couleurs, en somme dans celui que nous avons déjà appelé monde sensible. Ici, l’animal s’arrête. Mais l’homme va plus avant ; le monde des apparences sensibles devient pour lui un monde d’êtres réels, de choses, d’objets ; et c’est seulement ceci qui mérite vraiment le nom d’objectivation.

En effet, commençant par la localisation, nous ferons observer que les sensations du toucher contiennent deux éléments distincts, la qualité tactile et le sens de la pression. Ces deux éléments, dont l’un est de préférence actif, l’autre passif, ont été parfaitement déterminés par M. Souriau dans la seconde partie de son article. Par conséquent, les sensations de pression, s’ordonnant en forme spatiale (suivant des procédés que je ne m’arrête pas à décrire, vu que sur ce point j’accepte presque en entier ce qu’en écrit M. Souriau dans le paragraphe intitulé Acquisition de la notion d’espace), en viennent à déterminer et je dirais presque à dessiner la forme extérieure de notre corps. Dans cette forme ou schème viennent ensuite se ranger toutes : les autres sensations où prévaut l’élément passif, toutes celles en somme qui, par des raisons que nous exposerons ensuite, ne peuvent pas se détacher du sujet.

Il y a encore une autre classe de sensations, qui jouent un rôle très important pour préparer la projection, et ce sont les sensations musculaires. Celles-ci (qui peuvent être regardées comme la traduction du mouvement dans le langage de la sensibilité et dont la variété infinie correspond ponctuellement à la variété également infinie des mouvements) se relient elles aussi, entre elles, par les mêmes raisons, dans la forme spatiale.

Ajoutez que ces autres éléments de la sensation du toucher, que nous avons distingués de la pression sous le nom de qualités tactiles, s’enchaînent à leur tour entre eux sous forme d’espace. Ici donc, nous avons trois classes de sensations ordonnées en forme spatiale, dont la première constitue la superficie de notre corps. Mais ces trois classes de sensations ne restent pas isolées chacune dans sa sphère ; au contraire, la première se coordonne avec la troisième au moyen de la seconde. Enfin, grâce au mouvement, les sensations de la vue — ordonnées elles aussi en forme d’espace — ou, si l’on veut, l’espace visible se coordonne avec l’espace du toucher[1].

  1. Volkman, Lehrbuch der Psychologie, 2ter Band, § 101, où ce processus est développé magistralement.