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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/28

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de là, et peut-être d’autres causes, la présence d’une erreur constante. Si l’on ne faisait pas la correction relative à cette erreur, les résultats expérimentaux seraient en contradiction complète, soit avec la loi de Weber, soit avec les résultats des autres méthodes. Mais jusqu’à quel point est-on autorisé à faire cette correction, sans avoir spécifié la cause de cette erreur et constaté les effets de cette cause ?

Pour la méthode des cas vrais et faux, où de fait on détermine des nombres de sensations douteuses et de sensations indistinctes, on a vu que la théorie en était faite différemment par Fechner et par Müller ; j’avoue que plus j’ai réfléchi à la question, plus il m’a semblé difficile de me prononcer entre ces deux auteurs.

Voici comment je comprends la théorie de Fechner ; il faut distinguer entre l’excitation externe (Reiz), c’est-à-dire les poids dans l’expérience que avons décrite, et l’irritation interne (Erregung), c’est-à-dire les ébranlements que produit la cause externe dans le système nerveux. C’est à cette irritation interne que la sensation est liée par la loi de Weber, et, d’après Fechner, cette liaison est rigoureuse.

Mais l’irritation interne ne peut être mesurée directement ; on se trouve donc obligé de lui substituer, dans les calculs des expériences, l’excitation externe, et Fechner admet que celle-ci varie à peu près proportionnellement à l’irritation interne. Cependant cette proportionnalité est troublée par des causes accidentelles ; il en résulte que dans les expériences de la méthode des cas vrais ou faux, tandis que la différence de l’excitation externe est constante, la différence de l’irritation interne est variable, peut tomber au-dessous du seuil sensationnel, ce qui explique les cas douteux, et même devenir négative, ce qui rend compte des cas faux.

La variation de cette différence de l’irritation interne tient d’ailleurs à deux sortes de causes, les unes dont l’effet est constant et qu’on doit chercher à éliminer, comme dans la méthode des erreurs moyennes, les autres purement accidentelles.

Les variations correspondantes à ces dernières doivent, d’après la probabilité, être supposées également réparties de côté et d’autre de la valeur moyenne de la différence d’irritation.

On ne peut nier que cette théorie ne soit parfaitement liée ; mais les résultats qu’on en déduit, notamment l’inégalité entre le seuil positif et le seuil négatif, soulèvent évidemment de sérieuses difficultés, et par là le système de Müller, qui égalise ces deux seuils, quoique beaucoup moins bien fondé en principe, regagne quelque avantage.

Pour se tirer d’embarras, Fechner est obligé d’avouer en fait que la détermination des seuils sensationnels par la méthode des cas vrais