Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


L’ESTHÉTIQUE MUSICALE EN FRANCE[1]


V

psychologie des timbres, les timbres complexes et le style pittoresque.

L’étude précédente nous a montré qu’il y à dans la musique dite pittoresque des éléments vocaux. On y a reconnu, par exemple, l’emploi des modes majeur et mineur, dont la nature est psychologique au plus haut degré. Cependant cette musique n’aurait-elle pas des ressources propres qui la dispenseraient de recourir à des sonorités d’essence psychologique ? Grâce à ces ressources spéciales, ne pourrait-elle pas, ainsi qu’on l’a soutenu, être conçue et se déployer tout à fait en dehors d’un rapport quelconque avec la voix de l’homme ?

Pour le savoir, j’ai d’abord étudié le timbre en général. Je suivais ainsi une indication offerte par l’histoire de la symphonie. Il se trouve en effet que le développement de la musique pittoresque, depuis un siècle, est étroitement lié à l’emploi nouveau de timbres instrumentaux anciens et à la découverte de timbres nouveaux mis à profit par les maîtres non seulement dans la symphonie, mais dans l’opéra. Ce premier coup d’œil jeté sur les timbres nous a appris certaines particularités qu’il est important de rappeler en un bref résumé.

Le timbre vocal, qui est toujours combiné avec la hauteur et l’intensité, a une puissance remarquablement caractéristique. Il fait reconnaître, rien qu’au son de la voix, une personne déjà connue ; et, dans ce cas, mais seulement dans ce cas, le son de la voix devient expressif de l’individualité elle-même. D’une personne inconnue le timbre vocal indique, à des degrés variables sans doute, mais appréciables, l’âge et le sexe. En quoi, sans atteindre l’individualité, il serre de près l’espèce et même la particularité dans l’espèce. Dès

  1. Voir la Revue philosophique de janvier et mars 1882 et de janvier et juillet 1883.