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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/464

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Il faut relever également l’attitude de l’auteur à l’endroit du darwinisme. Il fait grâce aux théories de l’illustre naturaliste, pourvu qu’on les sépare absolument des doctrines du « transformisme mécanique » d’Herbert Spencer et autres. M. de Pressensé a été sans doute amené à cette concession par l’exemple de M. Charles Secrétan, Il n’en reste pas moins que Darwin aura plus fait encore que l’école de Comte contre les doctrines du spiritualisme traditionnel. L’écrivain introduit le loup dans la bergerie par une inconséquence aussi honorable qu’imprudente.

Le livre III traite du problème anthropologique. On y lit bien des choses : l’homme dans sa double nature, les relations du physique et du moral, l’homme et l’animal, le langage, son origine et son rôle dans la connaissance, la société humaine et les sociétés animales. — C’est une course assez désordonnée au travers de systèmes, de livres et d’écrivains étonnés de se rencontrer. Quant à la doctrine, elle est celle de Bossuet et de Fénelon.

Le livre IV traite des origines de la morale et de la religion : les sous-titres sont : Opposition des deux morales, — Le sentiment de idéal, l’art, — La religion, sa nature, son origine, — Le sauvage, — L’homme primitif.

On se défend de vouloir juger sévèrement une compilation de cette nature, quand on voit la généreuse ardeur qu’y a apportée l’écrivain. M. de Pressensé a beaucoup lu, beaucoup parcouru ; mais, à défaut d’originalité de pensée, n’aurait-il pu au moins ranger ses matériaux d’une façon moins confuse ? En tout état de cause, des livres comme ceux-là, en mêlant constamment aux problèmes ardus de la pensée des préoccupations polémiques et apologétiques, ne contribuent point à leur solution.

Maurice vernes.

Lazarus (Prof. Dr. M.). Ueber die Reize des Spieles (Sur l’attrait du jeu). Berlin, Ferd. Dümmler. Harrwitz u. Gossmann. 1883.

Dans cette nouvelle monographie de Lazarus, il s’agit des séductions, de l’attrait du jeu ; le mot plaisir ne serait pas toujours juste, comme il le montre lui-même p. 9, le divertissement pouvant parfois devenir une fatigue, selon l’expression de Boileau. Dès la première ligne de la préface, nous voyons que nous avons encore à faire ici au psychologue. M. Lazarus, et il a raison, voit la psychologie partout ; le jeu, c’est toujours l’âme s’occupant d’une certaine manière, aspirant au repos après le travail sérieux, mais non au repos absolu, au vide intellectuel qui pèse, qui répugne à notre nature. Le même besoin d’action, qui nous frappe chez l’enfant, se retrouve chez l’homme à toutes les phases de son existence. Mais rien de plus vaste, de plus compréhensif que ce mot jeu : Schiller, dans ses Lettres sur l’éducation esthétique, l’a étendu en quelque sorte à la nature entière, à l’animal, à la plante. Pourtant M. Lazarus n’admet pas que son penchant du jeu (Spieltrieb) puisse expliquer les productions de tous les arts, par exemple les