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sion auditive du mot est la seule qui ait frappé le centre d’idéation, le mot peut être répété à la manière des enfants ou des perroquets, sans que sa signification soit comprise. Mais lorsque la vue et le toucher, etc., auront, à leur tour, par les mêmes procédés, impressionné d’autres groupes de cellules dans le centre d’idéation, il se formera un système cohérent qui, restant en communication avec les deux centres sensoriels, conservera la mémoire des impressions déterminées par les différentes propriétés organoleptiques de l’objet, dont l’idée sera fixée et adaptée d’une façon permanente au mot qui sert à le désigner. Les mouvements nécessaires pour reproduire ce mot, soit verbalement, soit graphiquement, déterminent à leur tour, par l’intermédiaire du sens musculaire, des impressions qui spécialisent dans le centre d’idéation un nouveau groupe de cellules qui devient le siège de la mémoire des mouvements nécessaires pour articuler ou écrire le mot.

L’usage des mots nécessite donc l’intervention d’une mémoire auditive, d’une mémoire visuelle et d’une mémoire motrice (motrice phonétique et motrice graphique ; comme le dit M. Charcot, le mot est un complexus et non une entité, et on peut en dire autant de tous les signes en général). Chacune de ces mémoires peut prédominer chez un individu donné ; tel se sert de préférence de sa mémoire visuelle, tel autre de sa mémoire auditive ; mais lorsque le centre de l’une d’elles a été détruit, les autres peuvent la suppléer dans une certaine mesure et donner le temps à des groupes cellulaires, jusque-là inactifs, de se spécialiser à leur tour pour remplacer définitivement les centres détruits.

Dr Ch. Féré.