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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

les appétits se rattachent à des dispositions particulières de l’organisme, en raison des sensations spéciales qui en sont inséparables. Or ces dispositions sont plus ou moins vives suivant les individus. Parmi les hommes les uns ont des appétits violents, les autres de faibles appétits ; celui-ci a un amour ardent pour la bonne chère, celui-là à un tempérament génital. L’instinct maternel lui-même offre des différences, et toutes les mères n’aiment pas leurs enfants d’un amour chez toutes aussi vif. C’est que les sentiments présentent aussi de ces différences qui, si elles n’y tiennent pas, correspondent de même sans doute à un état spécial d’une partie du système nerveux. Il y a des hommes aux sentiments généreux, d’autres aux sentiments bas et vils. Inutile d’insister. Cet état du système nerveux, qu’il s’agisse des sentiments ou des inclinations, des appétits ou des instincts, peut consister, on le comprend, en une réelle disposition organique ou simplement, et c’est peut-être le plus probable, en un arrangement particulier d’ordre fonctionnel. Et ces dispositions sont naturellement suivies avec une très grande facilité, en vertu du principe de la moindre action, Que si l’on y cède trop souvent, elles pourront devenir des tendances maladives. Une cause, même insignifiante, suffira alors dans bien des cas à déterminer une perversion de l’instinct. Il se produit là une action et une réaction réciproques du psychologique et du physiologique. C’est ainsi qu’un simple illusionné présentera des illusions toujours génitales ; c’est ainsi qu’un impulsif ordinaire fera un exhibitionniste où même un nécrophile ; ainsi encore, quoique d’une façon plus compliquée peut-être et sûrement plus lente, sous l’empire d’habitudes de volupté acquises peu à peu et par l’influence de la fixité des idées, se formeront les masturbateurs, les pédérastes, les tribades. Ces manœuvres, qu’on le remarque bien, sont le plus souvent l’effet et non la cause d’une tendance maladive.

En résumé, tous les cas d’érotisme sont sous la dépendance d’une disposition psychique particulière correspondant à un état nerveux, que celui-ci ait déterminé celle-là, comme chez les impulsifs[1], ou que celle-là ait précédé celui-ci, comme il arrive probablement chez les pédérastes (j’excepte, bien entendu, les pédérastes d’emblée). — M. P. Moreau, aussi bien, semble avoir compris qu’il en est ainsi en cherchant à fixer dans un des meilleurs chapitres de son livre l’étiologie des aberrations génésiques. Pour lui en effet la cause capitale est l’organisme, « le terrain (physique et moral) » ; les causes qui déterminent l’explosion ne sont qu’accessoires. De là vient que l’hérédité joue un si

  1. L’étude des kleptomanes, des dipsomanes, des pyromanes le prouve encore.