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erreurs célèbres de Ctésias qui prétend que le sperme des éléphants est solide, et d’Hérodote qui dit que celui des Éthiopiens est noir (Gen., II, 31 ; Hist. anim., III, xvii).

Le liquide séminal de la femme est moins parfait, moins cuit que celui de l’homme, en raison de la chaleur moindre de la femme. Il reste plus semblable au sang : c’est le flux menstruel dont l’apparition marque en effet le commencement, et la disparition, le terme des facultés procréatrices chez elle. Cette imperfection originelle du fluide séminal féminin, est en corrélation, nous dit-on, avec les formes plus arrondies du sexe, et son teint plus clair, beaucoup plus clair autrefois que celui de l’homme, même en Grèce (comme de nos jours chez les Orientaux) à cause des mœurs, la femme vivant enfermée ou voilée et l’homme au grand air, presque nu. On aurait au besoin la preuve de cette différence par nombre d’anciens vases grecs où l’émail blanc a été réservé à la représentation des femmes[1]. L’auteur explique encore par les propriétés spéciales du fluide séminal féminin ce fait exact dans sa généralité, que les femelles des quadrupèdes vivipares (= mammifères) sont plus petites que les mâles, tandis que c’est l’inverse chez les autres animaux (Gen., I, 75), et bien d’autres choses, de celles que prouvait l’École par raisonnement et sans plus s’inquiéter des réalités.

Aristote est donc opposé à l’opinion de ceux qui veulent voir dans les sécrétions vaginale ou vulvaire l’analogue du liquide séminal de l’homme (Gen., I, 7, 8 ; II, 47). Il en donne cette raison très juste que des femmes peuvent concevoir sans avoir éprouvé aucune jouissance, par le seul effet de l’excitation des parties et de la descente de la matrice » (Gen., II, 58). On sait aujourd’hui que la matrice n’est susceptible d’aucun déplacement notable ; mais c’est depuis peu d’années seulement que la croyance populaire ne la fait plus voyager, et que les étouffements hystériques ne sont plus attribués à ce qu’elle remonterait dans la gorge. Aristote éclairé par ce qu’il sait des animaux n’admet pas que la matrice descende : loin de là, le fluide séminal du mâle tombe dans le vagin ; il y peut séjourner ou il peut être attiré par la matrice[2]. L’exemple des oiseaux et des sélaciens, chez lesquels la matrice (= l’ovaire) est reléguée fort en avant près du diaphragme, prouve que le fluide séminal du mâle n’y saurait parvenir s’il n’était en quelque sorte aspiré comme en un vase effilé qu’on a fait chauffer vide et où l’eau se précipite (Gen.,

  1. Voy. Des colorations de l’épiderme. Thèse, Paris, 1860.
  2. Toutes ces questions sont également traitées au Xe livre de l’Histoire des animaux.