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psychique, que les sujets voient ce qu’ils croient devoir voir, que l’imagination réalise seule le phénomène ; lequel phénomène extériore, varie suivant la manière dont le sujet le voit mentalement, le conçoit et l’interprète.

MM. Féré et Binet me reprochent encore l’expression d’hallucination négative[1] ; j’ai répondu à cette critique déjà émise par eux, dans la Revue scientifique.

En terminant, je dis à ceux qui voudraient répéter ces expériences : Pour qu’elles soient concluantes :

1o  Prenez des sujets neufs, qui n’ont pas servi à ce genre d’expériences, qui n’ont pas assisté à celles faites sur d’autres, qui n’en ont pas entendu parler ;

2o  Faites l’expérience sans dire un seul mot, même à voix basse, devant le sujet ; car, à tous les degrés de l’hypnotisation, il entend tout et enregistre tout, avec une acuité de perception souvent remarquable. Défiez-vous de la suggestion.

Dr  Bernheim,
Professeur à la Faculté de médecine de Nancy.

LA CAUSALITÉ D’APRÈS D. HUME[2]


Mon cher Directeur,

Permettez-moi de répondre en quelques mots aux observations de M. Séailles touchant mon interprétation de la théorie de Hume sur l’origine de ridée de cause. Sur tous les points, sauf un peut-être, l’accord se fera aisément entre nous.

M. Séailles a toute raison de dire, et notre intention n’a jamais été de contester, que, d’après Hume, toute application que nous faisons de l’idée de cause aux relations des phénomènes est illusoire. C’est un cas particulier de l’illusion qui se produit chaque fois que nous objectivons et transportons aux objets des qualités qui ne sont qu’en nous : l’odeur et la couleur, par exemple. Nous avions, dans notre livre, caractérisé l’application de l’idée de cause comme un cas de projection et d’objectivation ; mais nous avions négligé d’ajouter que, par cela même, cette application était illusoire. M. Séailles nous a rendu service en relevant cette omission qui pouvait créer un malentendu[3].

  1. Revue scientifique, 19 juillet 1884.
  2. Voir le numéro précédent de la Revue.
  3. Il est vrai que, dans une note, dont M. Séailles cite une partie, nous avons avancé que « Hume ne nie pas formellement la causalité en général. » Ce mot a besoin d’explication. Hume affirme bien qu’il n’existe dans les phénomènes rien de semblable à ce que nous sentons, nous, quand nous passons par habitude d’une idée à une autre ; il affirme aussi que nous n’avons aucun autre moyen de nous représenter une liaison nécessaire de phénomènes ; il affirme par suite