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Dr SIKORSKI. — l’évolution psychique de l’enfant

ment émane dans certains cas des exigences de l’esprit, et non de l’impulsion gymnastique, pour ainsi dire. Cela explique, de la meilleure manière, la mobilité et l’infatigabilité de l’enfant. Ici nous rencontrons, pour la première fois, le germe de ce penchant à poursuivre la vérité, la trace de cette étincelle prométhéenne, qui appartient exclusivement aux centres nerveux de l’homme, et en constitue le caractère organique essentiel. Lorsque ce même enfant, âgé de six mois, fut porté dehors, pour la première fois de sa vie, il fut surtout frappé de l’horizon sans bornes. Il resta comme pétrifié d’étonnement, puis il demanda à être soulevé vers le ciel. Il se dessinait dans son esprit l’idée de saisir avec ses mains la voûte céleste, de même qu’il aimait à être soulevé pour toucher le plafond peu élevé de sa chambre. Comme tous les enfants en général, il aimait à toucher aux objets situés hors du rayon habituel de ses mouvements. Un nombre considérable de ses mouvements provenait du désir de se rendre compte de la distance. En général, cette foule de mouvements sans but apparent est produite dans une proportion considérable par les essais de l’enfant pour mesurer et apprécier les distances. Ce ne sont pas les objets eux-mêmes qui intéressent l’enfant, mais bien leur éloignement preuve de plus de la direction abstraite de la pensée infantile. C’est aussi que l’étude des mouvements des corps a pour l’enfant un intérêt énorme, le jeune observateur étudie le mouvement sous toutes ses formes, et toujours en faisant abstraction des objets eux-mêmes.

En observant l’enfant, on arrive facilement à se convaincre que plusieurs jeux et objets, qui le divertissent, ne servent que de symboles à des idées naissantes, à des conceptions abstraites. Ainsi dans l’exemple cité plus haut, les ouvertures semi-lunaires du colombier, au moment où l’enfant les observait, lui servaient de substrutum pour penser à la lune ; le carton semi-lunaire la lui rappelait aussi (dans la pensée infantile, il ne s’agissait en cette circonstance que de la représentation de la forme des objets). Le trait de ressemblance le plus insignifiant entre plusieurs objets suffit pour que l’enfant choisisse un de ces objets comme joujou, c’est-à-dire pour en faire l’instrument, capable de donner l’impulsion à l’idée générale naissante et lui servir de substratum. Cet objet deviendra le joujou favori de l’enfant. Des morceaux de bois taillés, des crayons, des allumettes que l’enfant place et déplace sur une table, lui servent indifféremment de symboles du mouvement et le satisfont complètement comme joujoux. Le cercle des objets de jeux s’élargit de plus en plus, parallèlement au développement de l’enfant. En même temps, la faculté du raisonnement en voie de formation met de plus en plus en activité divers appareils moteurs : — mouvement des