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LE RAISONNEMENT INCONSCIENT DANS LES LOCALISATIONS AUDITIVES

Par M. G. Guéroult

Dans certaines affections de l’ouïe on emploie le diapason comme instrument d’investigation diagnostique.

En particulier, quand une des deux oreilles devient sourde, on place un diapason en contact avec une des parties osseuses du crâne. On conçoit que, si les organes de l’oreille interne ne sont pas atteints, le son du diapason se transmet par les os du crâne à l’étrier et aux deux fenêtres, et le malade l’entend. Dans ce cas, la surdité est évidemment due à une altération de l’oreille moyenne qui s’oppose à la transmission des ondes sonores par l’air. Si, au contraire, c’est l’oreille interne qui est sérieusement endommagée, le malade n’entendra, pas plus par les os que par l’air, le son du diapason explorateur[1].

Si une personne qui a les deux oreilles saines fait l’expérience en plaçant le diapason sur le sommet du crâne, elle entend le son également bien des deux côtés. Si le diapason se rapproche d’une oreille, toujours appuyé sur la voûte osseuse, c’est de cette oreille qu’on entend le mieux, c’est de son côté qu’on localise la sensation.

Quand, au contraire, l’une des deux oreilles est devenue sourde par suite d’une altération de l’appareil de transmission, il n’en va pas ainsi.

Atteint moi-même de cette infirmité depuis quelques années, j’ai pu constater par des expériences très multipliées, qu’en quelque point de mon crâne que je place le diapason, fût-ce contre l’os de la bonne oreille, c’est dans la mauvaise que la sensation auditive est localisée.

Le fait est bien connu des médecins auristes ; il en a été donné par eux de nombreuses explications anatomiques ou physiques, que je ne rapporterai point ici, mais dont aucune ne me satisfait.

Voici celle que je propose, en m’appuyant sur des expériences qui seront rapportées plus bas, et qui me semblent péremptoires.

Plus une source sonore se rapproche d’une des oreilles normale ou non, plus l’intensité de la sensation correspondante s’accroît. Inversement, si de deux sensations auditives produites dans une même oreille et visiblement émanées d’une même source sonore la seconde est plus forte que la première, nous jugeons que la source sonore s’est rapprochée de cette oreille, et d’autant plus que la différence est plus grande. Cela posé, je fais vibrer mon diapason dans l’air ; je l’entends par mon oreille droite, qui est la bonne, avec une certaine intensité ; par l’oreille

  1. Les personnes qui voudraient étudier la question en détail peuvent consulter le Traité des maladies de l’oreille par Urbanschitsch (traduction Catmettes), Paris, Masson, et une eommunication du docteur Gellé au congrès otologique de Bâle, en 1883.