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NOTES ET DISCUSSIONS


LA FUSION DE LA FOLIE MORALE ET DU CRIMINEL-NÉ

Réponse à M. Tarde[1].

Je ne connais pas en Europe de critique plus habile et plus profonde de mon Uomo delinquente, que celle que M. Tarde a publiée dans la Revue philosophique. Aussi, me crois-je pour cela tenu de lui adresser une réponse dans le plus prochain numéro, et cela avec tout le respect dû aux vrais maîtres,

Que m’objecte M. Tarde ? Vous niez, me dit-il, qu’il y ait la moindre analogie entre le criminel-né et l’aliéné, et vous finissez par confondre le premier avec le fou moral. — Mais il n’y a pas là contradiction. Selon les plus anciens aliénistes, le fou moral n’a rien de commun avec l’aliéné ; il n’est pas un malade, il est un crétin du sens moral.

Cela répond aussi à l’objection « qu’ayant voulu faire d’abord du criminel-né un fou moral et un sauvage, je superpose deux thèses qui alternent et se contredisent, la folie étant un résultat de la civilisation. » Mais, dans la majorité des cas, la folie est précisément une maladie acquise ; elle n’a pas de rapport avec la folie morale, qui est presque toujours congénitale et permet une grande longévité, un développement considérable du corps, bien qu’elle doive être considérée comme une infirmité, Pourquoi ? demandera-t-on. Parce qu’elle est jointe à une véritable insensibilité physique et morale, le meilleur préservatif de toute maladie.

D’ailleurs, outre les faits d’anatomie et d’atavisme, tels que la fossette occipitale moyenne, les sinus frontaux, l’eurygnathisme, j’avais signalé, dès les premières éditions, quelques faits assurément congénitaux, mais qui ne peuvent résulter de l’atavisme : l’asymétrie faciale, par exemple qui, M. Tarde l’a fort bien remarqué, n’existe pas chez le sauvage, la superposition des dents, le strabisme, l’inégalité des oreilles, etc.

Avant même de songer à la fusion à laquelle j’ai été entraîné dans la suite, j’avais dit que ces faits avaient pour causes des maladies du fœtus.

Bien plus tard seulement, je m’aperçus que ces caractères coïncidaient avec ceux que nombre d’auteurs attribuent au fou moral ; que

  1. Voir la Revue du 1er juin dernier.