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physiologiques, si l’on veut, mais qui sont psychologiques aussi, en tant qu’ils pénètrent dans le tissu de la conscience (chap.  I).

M. Lipps part donc de ce qui se trouve en nous immédiatement, et ce sont d’abord les activités et les facultés de l’âme. Ce qui est donné immédiatement, c’est pourtant le contenu et les produits de l’activité psychique, ce ne sont pas les facultés elles-mêmes. Il n’y a pas moyen de creuser un fossé entre le représenter, le sentir et le vouloir. Est-ce que le plaisir et l’effort ne sont pas des contenus de la représentation au même titre que le bleu, l’acide ou le dur ? Ces contenus, ces produits sont donnés, et non aucune activité propre qui les créerait, ou sinon, il faudrait reconnaître autant d’activités qu’on trouve de contenus différents dans la représentation, une activité pour le rouge, une autre pour le bleu, en définitive autant qu’on en voudrait,

Cela n’empêche pas de spécifier, par voie de groupement, une activité de la vue ou de l’ouïe, par exemple, et finalement de constituer une classe des représentations produites par les excitants extérieurs (son, couleur, etc.), en face de laquelle on placera celle des représentations (plaisir, effort) produits par les excitante intérieurs (chap.  II).

Une question se pose aussitôt, celle du rapport de la représentation à la conscience. Car toute représentation n’est pas au même degré dans la conscience. D’une part, la conscience n’est pas un espace vide où entrent et d’où sortent les représentations ; elle n’est pas non plus une hypostase, et elle n’est rien sans la présence d’un contenu. D’autre part, la représentation est ou n’est pas, et il importe, pour la comprendre, de considérer à la fois la qualité de l’objet et la qualité reproductive du sujet. Que le conscient sorte de l’inconscient, on ne sait rien pour cela de l’inconscient ; il ne peut être dit représenté et la représentation inconsciente n’est qu’une partie du tissu sur lequel se déploie la broderie de la représentation véritable (chap.  III).

Dans l’état du sujet, l’attention occupe une grande place. Or, l’attention implique l’effort et par là ouvre le passage de la classe de la représentation simple à celle du vouloir et du plaisir. La volonté, ce n’est toujours qu’un contenu auprès d’autres contenus. Je veux, et a paraît ; il ne paraît pas parce que j’ai voulu son apparition ; pour que je l’aie voulue, il fallait qu’il fût donné déjà en quelque manière. La volonté est impuissante à régler le cours de la représentation, et elle ne saurait déranger le mécanisme des lois psychologiques. Ces lois, d’ailleurs, ne sont pas quelque chose qui plane au-dessus de l’âme ; elles sont sa propre manière d’agir. À quoi bon imaginer une volonté que l’âme créerait pour ordonner ses propres événements ? De même, le plaisir est un effet et non une cause ; il accompagne la représentation, il ne la fait pas naître : il n’est que l’effet du rythme prolongé de la représentation. En somme, volonté et plaisir sont bien des contenus représentatifs, et, s’ils se reproduisent comme tels, ce n’est point par un acte indépendant. Nos sentiments de la volonté et du plaisir sont pour ainsi dire le luxe de la vie psychique, et c’est par eux