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ANALYSES.theodor lipps. Grundtatsachen des Seelenlebens.

psychologie générale sur le terrain des théories de la cognition.

Nativistes ou empiristes, ces théories acceptent également une telle constitution de l’âme, qu’elle transforme des distinctions de qualité en des distinctions d’espace, et, ajoutons-le, de temps. Dans le temps, nous n’avons plus des impressions contemporaines, mais des impressions successives, qui ne se fusionnent pas, grâce au temps même. En quoi consistera cette fois le rapport qualitatif ? On ne peut dire, en effet, qu’un son est autre qualitativement parce qu’on l’entend avant ou après tel autre son, et il n’y a rien dans le son qui nous oblige à lui assigner une place exacte dans le temps. Cependant des sensations surgissent, viennent à la conscience, persistent comme images du souvenir, disparaissent ; n’avons-nous pas là la matière d’un autre rapport qualitatif, rapport des degrés ou stages du cours de la représentation, que l’âme pourra traduire en rapport de temps ? Ces stages sont des signes temporels, formant un système à une dimension. Et si nous mesurons le temps et l’espace, c’est par le moyen du transport d’une unité, unité qui signifie un acte unique du penser, non quelque chose qui serait dans les objets. Le temps et l’espace, enfin, sont a priori, en ce sens qu’il est dans la nature de l’âme de produire, sous des conditions définies, les formes du temps et de l’espace. Mais a priori ne veut pas dire inné, puisque ces formes ne sont rien tant que rien n’y entre. Il n’y a donc pas de représentation innée ; mais nous ordonnons des contenus représentatifs selon l’espace et le temps, et nous créons sans cesse à nouveau l’espace et le temps.

VI. L’effort (Streben). — Dans cette dernière partie, je me bornerai à glaner quelques observations.

M. Lipps donne une définition du Begehren qui exclut la notion du beau désintéressé : le désir est l’effort qualifié de tout sentiment, et Kant n’avait pas motif de le reléguer dans les sens inférieurs. Le jugement esthétique n’est pas un jugement sur une classe définie d’objets, mais une espèce définie de jugement sur les objets, et il est donc inexact de faire du beau l’unique objet du jugement esthétique.

Le plaisir est le signe immédiat de la santé. La voix de la conscience morale, c’est la voix de notre nature, du système d’efforts et d’appréciations qui est nous mêmes, et elle exige pour cela d’être écoutée. La morale est nécessairement endémoniste.

L’habitude est comme un courant où nos efforts ont une facile embouchure ; et plus large est ce courant de notre vie routinière, plus étroit est le terrain où peuvent s’implanter de nouveaux efforts, de nouveaux désirs. Grande, chez l’enfant, est la mobilité des désirs, parce qu’ils ne sont pas enchaînés encore par des habitudes.

L’étude du comique est rattachée par M. Lipps à celle de l’attente, Aucune chose, d’abord, n’est comique en soi, un contraste est nécessaire pour engendrer le comique. Ce qui est risible, ce n’est pas la souris, mais que la montagne accouche d’une souris. Ce n’est pas non plus le contraste comme tel qui produit le comique, mais c’est la ma-