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CHAUVET. — un précurseur de ch. bell et de f. magendie

Ouvrons maintenant le traité Des lieux affectés ; voici ce que Galien y dit des affections qui ont leur raison d’être dans les lésions des nerfs :

Liv. I, ch.  vi. — « Un malade vint me trouver et, me montrant trois doigts de sa main (les deux petits doigts et la moitié du doigt du milieu), me dit que depuis trente jours il avait perdu la sensibilité dans ces doigts, sans que le mouvement fût aucunement atteint. Il ajouta que les remèdes prescrits ne lui avaient été d’aucun secours. Je fis venir son médecin, je m’informai du traitement, et, le trouvant convenable, je cherchai pourquoi il avait été sans effet. M’enquérant près du malade des accidents qui avaient précédé, je constatai qu’il n’y avait eu ni inflammation, ni refroidissement, ni coup, mais qu’il avait perdu la sensibilité peu à peu. Étonne, je lui demandai si quelqu’une des parties supérieures n’avait pas été frappée. Il me répondit qu’il n’avait pas reçu de coup à la main, mais au commencement du dos. Il était tombé de voiture et l’affection des doigts avait suivi de près cette chute. D’où je conjecturai qu’à l’origine du nerf qui sort au-dessous de la 7e vertèbre cervicale, un coup avait produit une inflammation et déterminé une disposition squirrheuse. L’anatomie m’avait appris que, au sortir du cerveau et de la moelle, les cordons nerveux semblent n’être qu’un nerf unique, mais qu’ils sont en réalité composés de nombreux filets, pressés et enfermés dans une seule enveloppe. De sorte que la partie inférieure du dernier des nerfs sortis du cou se rend aux petits doigts en se distribuant au derme qui les entoure, et de plus à la moitié du doigt médius. Les médecins s’étonnaient que cette moitié du médius fût seule affectée. Cela même me prouvait que cette partie-là seule du nerf avait souffert, qui, se détachant du tronc à l’avant-bras, aboutit aux doigts indiqués. Je fis donc retirer le médicament des doigts, l’appliquai moi-même sur la partie de l’épine intéressée, et, à l’émerveillement des témoins, je guéris les doigts en traitant le rachis.

« Alors cette question s’éleva entre les médecins : Quelle est cette particularité des nerfs qui maintient le mouvement tandis que la sensibilité périt ?

« Je leur proposai d’abord l’explication de certains médecins qui exposent que, la sensation consistant dans une impression reçue, et le mouvement dans une action produite, celui-ci réclame une énergie dont le nerf n’est capable qu’à la condition d’être intact, au lieu que celle-là, moins exigeante, est encore possible lorsque le nerf est altéré, mais incomplètement. Et comme ils applaudissaient : Eh quoi ! leur dis-je, n’avez-vous donc jamais rencontré le cas inverse, c’est-à-dire la perte du mouvement sans dommage pour la sensibilité ? Non, répondirent-ils, sauf l’un d’eux qui déclara avoir constaté ce fait une fois, nomma son malade et offrit de faire venir des témoins. Il fallut se rendre. Et tous de me demander la raison de cet étrange phénomène.

« Pour la trouver, c’est à la dissection qu’il faut recourir. Tout mouvement volontaire réclame l’office des muscles, car il n’est pas de nerf