Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
276
revue philosophique

objets doubles. Enfin, la paralysie des muscles qui entourent le nerf optique rend l’œil tout entier saillant, sans altérer la vision, du moins dans les cas ordinaires. »

Ch. iv. — « Je ne puis assez m’étonner quand je vois des hommes instruits en anatomie tout surpris que dans les paralysies la sensiblité et le mouvement ne soient pas toujours lésés ensemble. Ils suent sang et eau à chercher pourquoi il y a abolition tantôt du mouvement seul, tantôt de la sensibilité seule, et tantôt des deux à la fois. Ils finissent par vous dire que si les nerfs ramifiés dans les muscles, et qui ne s’arrêtent qu’au derme, sont très gravement affectés, le mouvement et la sensibilité disparaissent en même temps ; que si l’affection est légère, la sensibilité, dont l’exercice ne suppose pas un grand déploiement de force, persiste, tandis que le mouvement, qui en exige davantage, s’évanouit. Ils insistent sur la différence de gravité des affections, sur la différence d’énergie nécessaire pour remuer un membre, tel que la jambe, ou pour recevoir simplement une impression. — C’est fort bien, et l’explication paraît admirable dans les cas de paralysie où c’est le mouvement qui périt, et la sensation qui survit. Mais comment rendre compte des cas inverses où c’est le mouvement qui demeure dans l’évanouissement de la sensibilité ? Quelques-uns les nient, au mépris de l’expérience ; les autres balbutient de telles pauvretés qu’ils feraient mieux de se taire. La vérité est que le mouvement et la sensibilité ont leurs nerfs propres, qui partent, soit du cerveau, soit de la moelle, pour se répandre partout, et qu’il n’y a de traitement efficace qu’à la condition de rapporter les lésions aux nerfs qui en sont l’origine, afin d’appliquer là un remède qui ne peut opérer que là. »

Cette seconde série d’analyses me semble contenir deux choses : la confirmation de la découverte de deux espèces de nerfs ; l’indication de la méthode suivie par Galien pour y arriver.

Et d’abord la confirmation de la découverte de deux espèces de nerfs. En effet, la pathologie de Galien, en ce qui concerne les nerfs d’une part, la sensation et le mouvement de l’autre, n’est que la conséquence naturelle, immédiate, des idées physiologiques ci-devant exposées. Il connaît, comme tous les médecins alexandrins qui l’ont précédé, toutes les formes de paralysie qui atteignent à la fois la sensibilité et la motilité : paralysie générale, paraplégie (ou hémiplégie), paralysies partielles et locales ; mais de plus, il met hors de contestation un fait, sinon nouveau, du moins encore contesté, à savoir les paralysies de la sensibilité seule et de la motilité seule. Là-dessus les médecins contemporains étaient loin d’être d’accord. On voit, dans le traité de Galien, que certains médecins admettaient la paralysie qui détruit le mouvement en laissant subsister la sensibilité, parce qu’ils croyaient la comprendre, et niaient la paralysie qui détruit la sensibilité en laissant subsister le mouvement, parce qu’ils n’y comprenaient rien. Galien établit la réalité des deux cas et par sa propre expérience et par celle