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ANALYSES.j. royce. The religious aspect of philosophy.

en regrettant de ne pouvoir examiner plus longuement la question, je reviens à la philosophie religieuse de M. Royce, qui ayant obtenu sa vérité religieuse, en développe les avantages et en montre les rapports avec la morale.

Le Dieu de M. Royce n’est pas le Dieu d’amour et de miséricorde ; bien des gens qui sentent le besoin d’un Dieu le trouveront un peu froid ; il est Pensée, la pensée pour laquelle sont toutes choses, et dans laquelle nous avons la vie et le mouvement. Ce Dieu n’est pas ce qu’on appelle généralement un Créateur, son existence ne nous garantit nullement une immortalité individuelle dont nous ne savons rien, il ne garantit pas non plus un progrès sans fin de notre espèce que nous ne pouvons pas affirmer davantage. Malgré tout, M. Royce le croit apte à rendre de grands services à la morale, et je serais peut-être de son avis si seulement je pouvais admettre qu’il a rendu probable l’existence de cette pensée universelle. Il y a, en effet, quelque chose d’encourageant pour l’homme qui fait le bien à sentir qu’il est vu par une intelligence qui ne se trompe jamais et qui connaît tout. Cependant, il ne faudrait pas trop appuyer ; beaucoup trouveraient que ce témoin clairvoyant, mais impassible, n’est pas un appui bien efficace. Peut-être ceux qui seraient, en général, le plus disposés à accorder quelque efficacité morale au Dieu de M. Royce sont-ils ceux qui sont habitués à se passer complètement de toute espèce de divinité.

Je cite un passage pour donner une idée des rapports de la religion et de la morale. « Maintenant, vus à la lumière des résultats que nous avons atteints, les devoirs humains que nous recherchions dans notre discussion sur la morale tiennent leur place dans le monde objectif. Maintenant, pour la première fois en réalité, nous pouvons voir ce que nous nous efforcions, en réalité, d’accomplir par notre idéal. Nous cherchions à réaliser pratiquement ce que nous percevons à présent, être la plénitude de la vie de Dieu. La plus haute activité dans laquelle puissent s’unir les activités humaines nous est connue maintenant comme étant la réalisation progressive par les hommes de la vie éternelle d’un Esprit infini. Ainsi, tandis que nous pouvions autrefois dire aux hommes : Vouez-vous à l’art, à la science, à l’état, ou à tout ce qui tend à-organiser vos vies en une seule vie, nous pensons maintenant substituer une expression absolue à toutes ces expressions secondaires et dire : Vouez-vous à perdre vos vies dans la vie divine. Car tous les buts particuliers que nous avons mentionnés ne sont que des moyens de produire la connaissance complète de la vérité, « Et la vérité est Dieu » (p. 441-442).

M. Royce ne me semble pas avoir été heureux dans toutes les conséquences qu’il tire de la nature de la conscience du monde. Il est optimiste. « Le monde, dit-il, pris dans son ensemble est et doit être absolument bon, puisque la pensée infinie doit connaître ce qui est désirable, et le connaissant, doit avoir actuellement en elle les vrais objets du désir. » Quant à l’existence du mal dans le monde elle s’explique d’une manière