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BERNARD PEREZ. — la conscience et l’inconscience

seconde appartient à l’impulsion réflexe. « Comme tu entres chez les gens ! » dis-je au marmot avec douceur. « C’est vrai, me dit-il, d’un air un peu confus, je ne devais pas ouvrir la porte si vite, je devais attendre que vous eussiez dit : « Qui est là ? Entrez ! » Un simple avertissement a donc remis en pleine conscience deux séries de mouvements, dont l’une avait passé presque inaperçue, et l’autre peut-être tout à fait.

Un geste, un mot, une impression soudaine, appellent l’attention de l’enfant sur ce qu’il avait seulement entrevu au passage. Il est à croire que tout le subconscient consiste en quelques états de conscience affaiblie ou de conscience naissante auxquels il manque très peu de chose pour arriver à l’état fort ou complet. Ce petit être si remuant vous suit-il à la promenade, vous ne savez jamais au juste où il est : et pourtant il se retrouve toujours, ce qui prouve qu’il ne se perd jamais tout à fait. Un régiment passe sur la chaussée du boulevard l’enfant quitte votre main, se précipite, et essaie de percer la haie des spectateurs : impossible, la foule est trop massive ; et pas une petite place sur le banc où trente personnes sont debout ; mais voilà un arbre, et justement un gamin à califourchon sur une de ses branches : c’est une idée ; l’enfant vous regarde d’un air moitié questionneur, moitié suppliant. Que de choses, résumées dans ce regard ! Que d’idées et de sentiments, les uns très peu, les autres très conscients ! Ce regard vous dit : « Je grimperais avec bonheur, et avec quelle facilité, sur cet arbre d’où je verrais défiler nos beaux soldats ! Mais tu ne me le permettras pas, et cela pour une foule de raisons, que je connais. Si tu voulais pourtant être assez complaisant ou assez faible pour me laisser faire ? Tu as quelquefois de ces sortes de bontés, ou d’oublis !… »


Comme la conscience intervient si facilement dans les actes d’automatisme et d’habitude, il n’est pas déraisonnable de croire qu’elle n’en est jamais absente. On sait d’ailleurs, d’après les plus récentes expériences de suggestion hypnotique, que la volition consciente peut très bien coexister avec l’automatisme. Ce qui distingue la volonté du réflexe, de l’instinct, de l’habitude, c’est d’abord le degré de conscience : elle est, en général, assez nette dans l’acte dit volontaire. Mais il faut autre chose pour constituer la volition : il faut un intervalle, aussi court que l’on voudra, entre l’idée et l’acte ; cet intervalle est rempli par l’œuvre des mobiles préparant le choix. La plupart des désirs de l’enfant, même âgé de six ou sept ans, sont si promptement suivis de résolution ou d’action, qu’il reste fort peu de place pour la délibération et pour la conscience. La délibération n’en a pas moins lieu ; elle peut consister dans la simple