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de millet fait du bruit en tombant, si petite qu’elle soit, elle a un tout autre caractère. Aristote a tort de la contredire, car elle est irréfutable au point de vue objectif, et c’est le point de vue que garde toujours Zénon dans ses raisonnements sur les choses sensibles.

Il me resterait maintenant à confirmer ce que j’ai avancé, qu’après Zénon, les thèses qu’il avait attaquées n’ont pas reparu. Je me contenterai de quelques indications à ce sujet.

Il va sans dire que les idées justes qu’il défendait ne sont pas immédiatement devenues universelles ; elles ne le sont pas encore aujourd’hui ; mais nous ne les voyons pas attaquer dans l’antiquité, et l’exposition que fait Aristote des mêmes idées ne fuit pas supposer qu’elles fussent réellement combattues.

À la vérité, le Stagirite, pour faire croire à l’originalité de sa théorie, parle de Platon comme s’il admettait des éléments de surface indivisibles (dans le Timée) ; Xénocrate nous est aussi représenté comme admettant des lignes indivisibles. Mais il est certain que malgré l’emploi que Platon ou Xénocrate ont pu faire de termes géométriques qu’ils auraient mieux fait d’éviter, ils entendent par là des grandeurs physiques, et se rapprochent ainsi des atomistes. La question est maintenant, en effet, transportée sur le terrain de la physique ; la divisibilité à l’infini de l’espace géométrique est toujours admise ; mais, pour la matière, tandis qu’Aristote admet qu’elle est également divisible en puissance à l’infini, les disciples de Leucippe d’une part, les derniers tenants du pythagorisme transformé de l’autre, soutiennent sous des formes différentes qu’il y a une limite à la divisibilité physique, que la matière n’est pas un continu comme l’espace, mais une somme, un système de particules insécables.

Le traité péripatéticien περὶ ἀτόμων γραμμῶν, est un assez mauvais exercice d’étudiant, destiné à l’intérieur de l’école, non pas à une polémique réelle, et il n’y a pas lieu de s’y arrêter.

Je ne vois en fait à cette époque que deux indices de discussions rentrant dans le cadre de celles de Zénon. D’après Plutarque[1], Démocrite demandait si lorsqu’un cône est supposé coupé par des plans infiniment voisins parallèles à la base, il faut regarder les sections comme égales ou inégales, et réfutait les deux alternatives. Il me semble qu’il ne pouvait avoir qu’un but, semblable à celui de Zénon, à savoir : d’établir que la surface du cône ne peut être regardée comme une somme de circonférences.

Le titre d’un des écrits mathématiques de Démocrite : περὶ διαφορῆς

  1. Adv. Stoic. de commun. notit.