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Otto Liebmann. Die klimax der theorien, Eine Untersuchung aus dem Bereich der allgemeinen Wissenschaftlehre. K. Trübner, Strasbourg, 1884.

L’auteur, qui s’est fait, connaître déjà par des travaux sur Kant et ses Épigones, sur la preuve individuelle de la Liberté de la volonté, sur le point du vue objectif et subjectif, sur l’analyse de la réalité, etc., s’est proposé, dans ce nouvel écrit, de fournir à la théorie de la science un appoint qui lui était nécessaire. Le but est de préciser ce qui n’avait pas été encore bien défini, savoir : la différence qui existe entre les diverses théories admises dans la science, de marquer leur gradation en vertu des caractères essentiels qui les distinguent. La recherche de M. Otto Liebmann est destinée à combler cette lacune. La conception et l’exécution révèlent, avec des connaissances exactes et variées dans les sciences, des qualités remarquables de penseur auxquelles se joignent, ce qui ne gâte rien, celles d’écrivain spirituel. Nous chercherons à donner une analyse exacte de cet écrit dont les détails et les nombreux exemples rendent la lecture aussi instructive qu’intéressante.

Dans son introduction, l’auteur montre d’abord ce qu’il y a de fâcheux pour la science dans l’antagonisme qui existe entre les historiens et les théoriciens : les premiers qui n’estiment que les faits dont ils retracent la succession, et pour qui tout est relatif ; les autres attachés à l’absolue vérité. Ce qu’il est raisonnable d’admettre, c’est qu’il y a à la fois l’un et l’autre, des vérités certaines et absolues que les sciences démontrent, et aussi des faits relatifs, eux-mêmes soumis à des lois dans leur développement primitif. Mais il y a des degrés dans ce développement. De là la nécessité d’un accord entre les deux points de vue. Un fait également incontestable, c’est le penchant naturel de l’esprit humain pour les théories. Il y a des époques où elles sont à l’ordre du jour, d’autres où elles sont rejetées et méprisées, des époques dogmatiques et des époques critiques et sceptiques. Mais cela n’est que relativement vrai. Le moyen âge fut une époque hyperthéorique, mais aussi hyperempirique. L’alchimie en est la preuve. L’ars magna de R. Lulle n’est pas autre chose qu’une mauvaise méthode expérimentale. La science actuelle n’a-t-elle pas aussi ses théories, les plus hardies et les plus transcendantes, l’évolution, etc. ?

Avant de procéder à sa recherche, l’auteur croit devoir poser les thèses qu’il doit démontrer et développer. Il distingue d’abord les convictions populaires appuyées sur le sentiment, non analysées, non réfléchies, et les convictions scientifiques.

La science est l’idéal d’un système de connaissances claires et vraies dont la vérité objective est indépendante de toute considération subjective ou personnelle. Toutes les sciences n’offrent pas ces caractères au même degré, ne réalisent pas cet idéal d’objectivité, au degré le plus élevé, sauf les mathématiques et la logique. L’inconcevabilité du contraire fait leur certitude dans la vérité démontrée. Mais, il n’y a pas seulement