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Celle-ci admet des vibrations, la conservation du mouvement, etc. ; l’organologie a ses cellules. Ici tout le système de la vie physique s’explique mécaniquement ; là le principe est déclaré insuffisant. La contradiction est flagrante. Elle est bien plus grande encore quand on passe du domaine de la nature à celui de l’esprit, s’il s’agit d’expliquer la liberté, le devoir, la responsabilité. Qui décidera ? Une science supérieure et cette science ne peut être que celle des principes, la métaphysique. À elle de rétablir l’accord, de reconstituer l’unité.

Il y a à distinguer deux espèces de métaphysique : l’une dogmatique, longtemps souveraine, aujourd’hui tombée en complet discrédit ; l’autre, critique, en grand honneur, et qui place son point d’appui en un tout autre endroit que la première. Celle-ci c’est l’examen hypothétique des représentations humaines sur l’essence, le principe et l’enchaînement des choses. Elle est arrivée à cette conviction que la croyance à la possibilité d’une connaissance absolue des choses est chimérique. Nos conceptions sur l’absolu réel, dans le cas le plus favorable, savoir la parfaite compatibilité, le plus complet accord de leurs conséquences avec le monde réel des représentations sensibles ne renferme rien autre chose que la manière et le mode selon lesquels le réel absolu peut être représenté pour une intelligence d’une constitution d’esprit spécifiquement humaine. Toutefois elle-même est forcée de reconnaître et même de préciser ces incompatibilités, d’y voir la condition formelle pour se rapprocher incessamment de la vérité matérielle inconnue. Ce faisant, elle assume une tâche dont l’accomplissement est réclamé par les sciences particulières d’une façon ostensible ou latente, et qui repose sur des épaules invisibles.

Quant au rapport de la métaphysique dogmatique avec la science empirique on est d’ordinaire disposé à les considérer comme les deux extrêmes dans l’échelle des recherches scientifiques et à les opposer, à leur assigner des places directement contraires. La première est un jeu d’ombres entièrement séparée de la base accessible des faits, un composé d’abstractions vaines sans consistance. La deuxième seule, objet de recherches positives, se nourrit des solides éléments des faits perceptibles ; de jour en jour elle s’accroît en santé et en embonpoint.

Cette manière de voir, dit notre auteur, repose sur une erreur que tout ce qui précède rend manifeste, et il pese en terminant l’alternative suivante. Nous ne faisons ici que le traduire :

« Où l’on a reconnu avec nous la nature supra-empirique des maximes sur lesquelles est fondée l’expérience, tout en ne leur accordant qu’une valeur problématique ; « Où l’on ignore, on nie peut-être ce qui pour nous est démontré avec évidence. On soutient, non sans un sourire de supériorité, que la vérité objective de ces prémisses qui servent de base à toute expérience scientifique et que nous avons désignées comme étant de simples hypothèses, ne sont que cela.