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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

se trouve aussi que c’est cette partie-là qui s’accompagne assez souvent de phénomènes de conscience. Nous voyons donc immédiatement de quelle utilité nous seront ces phénomènes, puisqu’ils sont parallèles aux processus qu’il s’agit de connaître et qu’ils peuvent nous renseigner sur leur direction, leur intensité, leurs associations, etc. En somme, comme il n’y a pas de phénomène de conscience qui ne corresponde à un fait physiologique, et comme ces deux faits sont liés par des lois précises, nous ne pouvons étudier le premier sans étudier par cela même le second, toute étude psychologique est une étude physiologique, et nous étudions le cerveau en étudiant les faits de conscience, absolument comme nous nous renseignons sur l’intelligence d’un homme en écoutant ses paroles, qui en sont les signes appréciables pour nous. Comme en bien d’autres cas, d’ailleurs, un moyen de connaissance se substitue à d’autres. Si par exemple nous demeurons auprès d’une ligne de chemin de fer, nous pouvons comprendre, par le bruit que nous entendons, si un train passe, et même si c’est un train de marchandises, un train omnibus, un train express. Les sensations auditives remplacent les sensations visuelles et des premières nous pouvons conclure aux secondes. De même quand nous éprouvons un sentiment quelconque, nous pouvons conclure du phénomène perçu par le sens intime aux phénomènes visuels ou autres, que nous pourrions percevoir si nos moyens d’investigation étaient suffisants et que l’on appelle courant nerveux. Le procédé est le même. En étudiant les phénomènes psycho-physiologiques par la conscience, nous sommes semblables aux sourds-muets qui peuvent comprendre, par les mouvements des lèvres, les paroles qu’ils n’entendent pas.

III

Si donc nous examinons au moyen du sens intime les données de l’expérience, nous trouvons, avec un peu d’habitude bien des éléments dans notre vie mentale. Les uns se laissent percevoir facilement, ils sont nets, forts, précis ; tels sont par exemple nos perceptions dans le domaine intellectuel, nos passions dans le domaine affectif. D’autres sont plus ternes, plus difficilement observables pour des esprits peu exercés, on les a appelés des représentations faibles ; telles sont, par exemple les images que nous nous faisons des objets qui ne sont pas sous nos yeux, et dans le domaine affectif, les émotions faibles que nous faisons renaître en nous par le souvenir. Enfin nous trouvons d’autres états plus vagues encore, sur lesquels la réflexion s’arrête très peu d’ordinaire, excepté chez les personnes