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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

un phénomène purement physiologique. Évidemment il arrive dans certains cas que les antécédents d’un phénomène psychique quelconque se manifestent de quelque manière à la conscience, et surtout se manifestent par des phénomènes de conscience ressemblant plus ou moins au dernier phénomène de la série et préparant ce dernier. C’est là ce qu’on appelle la production consciente du phénomène. Il est bien sûr, pourtant, que ce processus ne diffère pas essentiellement de celui dans lequel le dernier anneau de la chaîne est seul à s’accompagner de conscience. Il n’a rien de plus clair ni de plus facilement explicable, de même que l’autre n’a rien de plus mystérieux en soi. Il est seulement plus vite aperçu parce qu’il est plus apparent, mais la vraie cause n’est pas plus évidente et nous comprenons aussi bien, en fait et malgré les apparences, le geste inconscient de la grenouille décapitée qui répond à une excitation en retirant sa patte que l’acte de l’homme qui, ayant le sentiment subjectif, coupe un morceau de pain et le mange. En tout cas, que l’idée ait eu, oui ou non, des antécédents conscients, on ne peut l’appeler inconsciente, mais si l’on voulait faire de la conscience une cause, on pourrait dire que toutes les idées sont produites par des phénomènes inconscients[1]. Les partisans de la conscience et parfois aussi ceux de l’inconscience peuvent faire valoir des prétentions qu’une analyse minutieuse réduit à leur juste valeur.

En nous occupant des sentiments nous restreindrons donc le nom de conscience à l’état psychique immédiat produit par une tendance organique. Nous ne parlerons donc pas de sentiments inconscients, ce qui serait une contradiction, mais nous pourrons parler de tendances inconscientes, c’est-à-dire purement organiques, et aussi de sentiments non classés, c’est-à-dire de tendances senties dont nous ne connaissons ou ne reconnaissons pas le but. La conscience est immédiate, la connaissance est médiate. Cependant après avoir distingué la conscience et la connaissance, nous ne devons pas pousser trop loin cette séparation. Il n’est pas bien utile, semble-t-il, de faire remarquer que toute connaissance s’accompagne de conscience, cependant il faut observer que l’on entendrait mal cette proposition si nous ne nous y arrêtions pas un peu. Toute connaissance est consciente, et, en un sens, cela nous importe peu pour le moment car la conscience en ce cas peut être seulement la conscience de la connaissance, et non la conscience des objets connus, ce qui est bien différent ; mais ce qui nous intéresse c’est que la connaissance s’ac-

  1. Toujours au point de vue de la psychologie et en réservant l’interprétation dernière.