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EGGER. — sur quelques illusions visuelles

côtés et en supposant que le côté droit, le plus éloigné de moi, est le plus rapproché. Au bout de quelques secondes, le cadran bascule sur son axe et me paraît tel que je l’ai souhaité. L’effet est très extraordinaire : on dirait une roue brillante, dont une moitié serait engagée dans la masse de la pendule et vue par transparence, tandis que l’autre moitié ferait saillie au dehors. Dans une certaine position de l’expérimentateur le cercle apparent ainsi obtenu fait un angle droit avec la face de la pendule (y compris le cadran réel, que je ne vois plus à sa vraie place) ; dans les autres positions, il coupe obliquement cette surface.

Et maintenant, que l’on essaie de faire les mêmes expériences de renversement sur un objet plan vu de face, qui n’a ni avant ni arrière, mais seulement une droite et une gauche, un haut et un bas, par exemple sur un tableau, ou sur une assiette d’ornement accrochée à un mur ; que l’on essaie d’intervertir par l’imagination et la volonté la droite et la gauche, ou le haut et le bas du visum ; on échouera d’une manière absolue. Dans nos expériences même, l’avant et l’arrière seuls échangent leurs positions ; la droite et la gauche, le haut et le bas des ovales sont immuables. Preuve évidente que ces deux sortes de positions correspondent aux deux dimensions données, et que la troisième dimension, dont nous pouvons ainsi jouer à notre gré, n’est qu’une inférence, un produit de notre imagination constructive.

III. — Je parlais tout à l’heure du relief binoculaire et de son peu d’intensité. Le phénomène est si faible, en effet, qu’un cadre suffit souvent à l’annuler : le cadre suggère l’idée d’un tableau ; la plupart du temps le relief ne suffit pas à contredire cette idée, et l’on a l’illusion d’un tableau plan, alors que l’on voit des objets réels, situés les uns derrière les autres. C’est un trompe-l’œil à rebours, c’est-à-dire encore un trompe-l’œil.

J’ai vu en Italie, dans un jardin très pittoresque, une construction en briques percée d’une large ouverture circulaire, le tout très habilement disposé pour faire valoir la vue d’une colline lointaine couverte d’arbres magnifiques. Quand je restais immobile, je croyais voir un tableau ; et quand je me déplaçais, j’étais tout étonné de voir le tableau se modifier, comme s’il glissait le long du cadre en sens inverse de mon propre mouvement. Tout semble indiquer qu’il y avait là un trompe-l’œil intentionnel.

Le relief est presque nul pour les lointains. Dans ce premier exemple, le cadre a donc peu de peine à donner l’illusion du plan. Mais il n’en est pas de même dans le fait suivant.