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ANALYSES.h. faye. Sur l’origine du monde, etc.

sant avec les lois et faits connus de la mécanique, de la physique et de la géologie. On peut donc croire que ce système fournira au moins une carrière égale à celle du système de Laplace, lequel doit, en tout cas, être désormais regardé comme définitivement condamné par les faits. Mais si l’on doit ainsi penser que M. Faye s’est plus approché de la vérité que tous ses précurseurs dans leurs essais successifs, il est permis de douter qu’il ait atteint la vérité tout entière et que l’ensemble de ses vues doive être regardé comme définitivement acquis à la science.

Peut-on, d’ailleurs, déjà discerner les points faibles du système et prévoir par où il croulera ? C’est peut-être le cas de dire que, contrairement au dicton vulgaire, la critique est plus difficile encore que ne l’était l’œuvre elle-même, car la critique ne peut, jusqu’à présent, invoquer que des hypothèses incertaines, et non des faits précis, ce qui reste donc tout à l’éloge des conceptions de M. Faye.

On peut toutefois remarquer que, dans ces conceptions, les idées particulières que se fait le savant astronome sur les lois qui président aux mouvements tourbillonnaires, jouent un très grand rôle ; or, ces idées sont loin d’être admises par la plupart des météorologistes, et d’ailleurs, comme M. Faye est le premier à le reconnaître, ni les lois en question ne sont précisées expérimentalement, ni la théorie mathématique des tourbillons n’est encore ébauchée ; elle attend, pour se constituer, l’apparition d’un génie dont la gloire, dans les âges futurs, égalera au moins celle de Newton. Il est donc possible que l’avenir fasse apparaître, dans les déductions de M. Faye, des impossibilités que nous ne pouvons encore apercevoir, et qui obligent à modifier plus ou moins gravement soit ses hypothèses, soit ses conclusions.

L’accord établi par M. Faye entre sa théorie et celles qui ont cours actuellement en géologie ne doit pas non plus faire illusion. Il est parvenu à donner une explication satisfaisante des circonstances où semble actuellement s’être effectué le développement de la vie végétale et animale à l’époque primaire ; mais cette explication n’est certainement pas la seule possible. D’ailleurs, il faut bien remarquer que la géologie n’a encore exploré qu’une partie trop faible du globe pour être considérée autrement que comme une science encore à ses débuts, et il faut aussi distinguer entre les faits qu’elle a constatés et les hypothèses plus ou moins fondées qu’elle se permet.

Or, parmi ces hypothèses, il y en a deux dont l’importance est capitale dans la question qui nous occupe, mais où la géologie me paraît dépasser les bornes qui seront toujours assignées en réalité à ses théories vraiment scientifiques. La première de ces hypothèses est que la terre a été, à l’origine, un globe en fusion ignée et que le noyau intérieur subsiste encore dans le même état. La seconde est que, dans les dépôts successifs de la croûte solide, nous pouvons descendre jusqu’à ceux qui ont été contemporains de