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ANALYSES.h. faye. Sur l’origine du monde, etc.

Dans la troisième conception enfin, l’évolution est regardée comme indéfiniment périodique entre deux états (d’intégration et de désintégration, pour parler comme Herbert Spencer) plus ou moins différents entre eux, mais à partir desquels se reproduit, du moins dans ses grands traits, le même cycle de phénomènes.

C’est évidemment de la seconde conception que se rapprochent le plus les idées de M. Faye, mais elles en diffèrent sous un rapport qui a une importance philosophique considérable, c’est que les états limites du passé et de l’avenir ne sont nullement précisés et qu’un état originaire déterminé est conçu comme ayant existé à une date déterminée du passé.

Dès lors, si le système de M. Faye peut avoir une haute valeur historique, en tant que représentant la série des phénomènes à partir d’une certaine date jusqu’à une autre, il présente une lacune indéniable pour le philosophe, qui, peut-être à tort, se préoccupe moins de l’histoire que de l’explication. Un état originaire déterminé dans le temps n’est pas, en effet, plus explicable que l’état actuel, c’est par une simple illusion que l’on se satisfait de la conception de ce chaos primitif dont chaque corpuscule chimique offre déjà une complication qui en rend pour nous l’origine tout au moins aussi obscure que celle de la Terre. Il n’est pas plus absurde, en fait, de supposer l’existence éternelle de notre globe, même avec la vie à sa surface, que de supposer l’existence éternelle de l’atome chimique apparemment le plus simple.

J’ajoute que la même observation peut être faite sur toutes les formules qui ont été données jusqu’à présent pour la conception de l’entropie simple ; si, en effet, elle reste toujours possible à priori, il faut avouer qu’elle n’a jamais, jusqu’ici, été présentée sous une forme scientifiquement satisfaisante.

Voilà pour le passé ; quant à l’état limite pour l’avenir, on pourrait, il est vrai, mieux le préciser dans le système de M. Faye ; l’équilibre thermique existe à une température très basse ; toute la matière pondérable est concentrée en globes qui circulent au sein de l’éther en obéissant aux lois de l’attraction ; mais désormais tout mouvement pouvant entraîner production de chaleur par frottement ou par choc est impossible.

Or, cette conception souffre une très grave difficulté ; qu’est devenue l’immense énergie que possèdent les astres incandescents ? il faut la regarder comme absorbée par l’éther, par ce milieu intrastellaire auquel nous attribuons des propriétés hypothétiques et souvent contradictoires pour expliquer les phénomènes dont les corps pondérables sont le théâtre.

Or, considérer ce milieu comme susceptible d’absorber de la force vive, c’est faire une hypothèse qui, à la vérité, est possible, mais qui n’est justifiée par aucun fait expérimental. Les théories sur la chaleur rayonnante s’appliquent en réalité à des conditions toutes différentes de celles des radiations des astres. Certainement nous devons regarder les molécules éthérées comme possédant une force vive considérable,