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ANALYSES. bradley. The principles of Logic.

quer un passage (246-250) où Bradley s’élève avec une indignation peut-être hors de saison contre les logiciens qui prétendent faire servir la logique à bien raisonner. Il les assimile, ce en quoi il a raison, à des moralistes qui veulent s’ériger en directeurs de conscience. Je ne vois pas là de quoi se fâcher et crier à l’oppression (spiritual tyranny). Quand le logicien ou le moraliste ont découvert une loi véritable du raisonnement ou de la conduite, ont-ils donc tant de tort de dire aux gens qu’ils doivent raisonner ou se conduire d’après ces lois ? Bradley proteste en sa qualité de protestant orthodoxe, mais en vérité qu’a la logique à voir là-dedans ? — À propos des raisonnements négatifs, l’auteur soutient qu’on peut tirer une conclusion de deux prémisses négatives. — Malgré l’autorité de St. Jevons, il est permis de penser qu’il n’y a ici encore qu’une confusion. Il est possible de donner à une proposition affirmative au fond une forme négative et par conséquent d’arriver ainsi à une conclusion, mais a-t-on le droit de rire des subtilités de l’ancienne logique quand on en introduit de pareilles dans la nouvelle ?

Bradley affirme que deux conditions sont nécessaires pour raisonner : 1o Une identité doit être affirmée et une simple ressemblance ne suffit pas : 2o une des deux prémisses au moins doit être universelle. Ces deux conditions ne peuvent exister dans la doctrine associationiste qui n’admet ni identité, ni universalité, ce qui amène l’auteur à un examen approfondi de la logique de l’association. Nous signalons ces pages au lecteur français (273-342) ; elles lui montreront que les empiristes anglais ont dans leur pays même de redoutables adversaires. Nous ne pouvons qu’indiquer les traits principaux de cette polémique ou l’auteur critique successivement la théorie de l’association, l’idée de l’inférence considérée comme passage du particulier au particulier et les méthodes de preuve indiquées par la Logique de St. Mill.

L’auteur explique le fait de l’association par une loi déjà formulée par Wolf et Maas et que Hamilton appelle : Loi de réintégration. Dans la théorie de Mill, qui est un véritable atomisme psychologique, on ne peut expliquer ni la contiguïté, ni la ressemblance ; comment des événements distincts peuvent-ils être contigus ? comment des phénomènes qui n’ont aucune identité peuvent-ils se ressembler ? L’auteur conclut qu’il faut admettre une identité, un universel qui relie entre eux les phénomènes. Il suit de cela même qu’il est faux de dire avec Mill que l’universel n’entre dans aucun raisonnement. Par conséquent encore les méthodes de Mill n’ont point la valeur qu’il leur attribue ; leur valeur scientifique est incontestable, elles peuvent servir à la découverte de la vérité, mais entendues comme les entend Mill elles ne sont point démonstratives.

Après cela vient un très intéressant chapitre sur la logique par équations de Stanley Jevons. Nous connaissons en France cette logique par le savant et très lucide exposé qu’en a fait M. Liard[1] ; mais M. Liard

  1. Les logiciens anglais contemporains, p. 147, 177, in-8o. Germer Baillière, 1878.