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qu’elles prouvent que des sujets hémianesthésiques ont perdu la notion de la situation, du déplacement, etc., de ceux de leurs membres qui sont insensibles. Et ce qui prouve bien cet étroit rapport qui me paraît exister entre les résultats des recherches de ces deux expérimentateurs, c’est une ingénieuse expérience réalisée par M. P. Magnin.

Sur une de ses malades, hémianesthésique gauche, les yeux étant bandés, il fait un pli à la peau de la face palmaire de l’avant-bras gauche dans la région qui correspond exactement au long fléchisseur propre du pouce, et, sur le sommet de ce pli, il applique pendant un instant une plaque métallique (en or, dans le cas particulier) ; cet agent esthésiogène ramène la sensibilité dans une zone cutanée très limitée. Qu’arrive-t-il alors ? la malade n’a notion que de la position occupée par son pouce. Si on l’invite à se toucher l’oreille gauche avec ses quatre derniers doigts, elle est incapable de le faire ; au contraire, elle exécute sans hésitation le même mouvement avec son pouce En même temps, par un phénomène de transfert, la sensibilité cutanée a disparu dans le membre supérieur droit, dans le point symétrique du point d’application du métal à gauche. Par suite, les sensations musculaires font nettement défaut dans le fléchisseur propre du pouce de ce côté.

Dans sa thèse de doctorat (Étude clinique et expérimentale sur l’hypnotisme. Paris, 1884), M. P. Magnin a rapporté un certain nombre d’expériences analogues à celles qui viennent d’être relatées. Ainsi, d’après lui, la facilité de production de la contracture et l’intensité de cette contracture se sont toujours montrées, à l’état de veille, comme dans l’état de somnambulisme, « parallèles à l’état de la sensibilité cutanée » (loc. cit., p. 88). « Sur notre malade, par exemple, hémianesthésique gauche, nous déterminons la contracture du court abducteur du petit doigt du côté droit sensible, par une excitation légère de la zone cutanée qui leur correspond. La contracture produite, voulons-nous la transférer à gauche : quel que soit l’agent esthésiogène employé, l’examen attentif permet de constater le transfert de la sensibilité cutanée précédant celui de la contracture. Celle-ci n’apparaît qu’au moment où la malade accuse du côté primitivement anesthésique la sensation de l’excitant.

« Nous avons répété toutes ces expériences un très grand nombre de fois sur différentes malades. Elles nous ont toujours donné les mêmes résultats » (Loc. cit., p. 93). Il semble donc que des expériences du Dr Magnin, comme de celles du Dr Bloch, on est en droit de conclure que le « sens musculaire » se ramène à des sensations purement afférentes.