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entièrement éteints dans l’extrémité supérieure. Le sens de la position de cette extrémité et de ses mouvements passifs est aussi complètement éteint. Les mouvements des extrémités supérieures sont puissants et parfaitement corrects ; le malade mange sans aide, s’habille lui-même, etc., tant qu’il peut diriger ses actes par la vue. » Et Bastian ajoute avec raison (ibid., p. 286) : « On ne saurait trouver de meilleures preuves que cela… pour montrer que la connaissance de la position de nos membres, de leurs mouvements et des états et degrés de contraction de nos muscles en général, ne dépend pas, comme le supposent Wundt, Bain et autres, d’impressions qui soient « concomitantes avec le courant centrifuge d’énergie nerveuse », ou qui coïncident avec lui. »

Les cliniciens ont recueilli un certain nombre d’observations semblables à celle de Demeaux et à celle de Spaeth et non moins démonstratives. Il y en a une, très curieuse, de Landry dans un Mémoire sur la paralysie du sentiment d’activité musculaire (Gazette des hôpitaux, 1855). Tout récemment on a présenté à la Société médicale des hôpitaux de Paris des malades extrêmement intéressants à ce point de vue et atteints d’une affection que l’on a justement étudiée sur eux pour la première fois, la paralysie hystéro-traumatique[1]. Ainsi M. Troisier a présenté (séances du 27 mars et du 24 juillet 1885) un malade atteint de monoplégie brachiale droite survenue à la suite d’une chute sur l’épaule, six jours après l’accident ; ce malade avait complètement anesthésié le membre supérieur droit, l’hémianesthésie étant à la fois profonde et superficielle. Or, la perte du sens musculaire était complète, le malade n’avait plus la notion de la position des divers segments du membre, ne se rendait pas compte des mouvements des articulations et n’avait plus la sensation de poids. Dans la séance du 24 juillet 1885, M. Joffroy présenta un autre malade, chez lequel s’étaient produits de semblables accidents et qui, également hémianesthésique, avait absolument perdu toutes les sensations attribuées au « sens musculaire ».

Tous ces faits, rapprochés des intéressantes expériences de M. F. Magnin, rendent difficilement soutenable l’hypothèse du « sens musculaire ». Cependant, quand on compare ces observations cliniques et les expériences de M. P. Magnin, une difficulté se présente : les malades observés avaient perdu à la fois la sensibilité des téguments, celle des muqueuses et celle des muscles ; dans les expériences de M. Magnin

  1. Voy. Journal des sociétés scientifiques, du 29 juillet 1885. V. aussi les Bulletins de la Société médicale des hôpitaux.