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Dieu, des anges, du ciel, des éléments, des plantes, des métaux, des hommes, du paradis et de l’enfer. Mais son œuvre se distingue profondément de tous les autres ouvrages de cette époque ; il se propose moins de donner à ses lecteurs une somme déterminée de connaissances positives que d’agir comme éducateur sur le cœur de l’homme, de fortifier la croyance à l’ordre moral du monde, que rendent manifeste toutes les merveilles de la création. Le chapitre sur les animaux, dans lequel Lulle a utilisé des sources orientales est particulièrement intéressant à ce point de vue. C’est une sorte de Roman du Renard dans lequel il nous montre les animaux rassemblés pour élire un roi, puis le renard ourdissant contre le lion, qui ne l’a pas appelé à son conseil, une conspiration qui est sur le point de réussir. La peinture des mœurs de cour est faite d’après l’expérience même qu’avait acquise Raymond Lulle dans sa vie antérieure. C’est une sorte d’ouvrage pédagogique ad usum Delphini, un antécédent du Télémaque de Fénelon. Un tel ouvrage fait le plus grand honneur au caractère de l’auteur.

A. F. Pott. Les nombres à signification cosmique spécialement chez les Indous et les Grecs ; importance des généalogies dans le mythe (2e article). — L’auteur explique de même l’origine de Ganêca, le dieu au double corps, et de Kuvėra, le tout infini La division du monde en trois parties correspond aux trois divinités qui le gouvernent chez les Grecs et les Indous. Notons encore la corrélation des points choisis comme centre de la terre et de certaines divinités chez différents peuples ; des quatre Dwipas qui correspondent aux quatre régions du monde ; de la pluralité des membres exprimant chez les dieux les rapports de direction dans l’espace ; le passage où il est question de la signification du nombre neuf, de la pluie d’or du mythe de Danaé ; du nombre treize ; d’Argus aux cent yeux et d’Io ; du mythe de Séléné, d’Atlas et de sa généalogie, des Tritons grecs, etc.

Ces deux articles dans lesquels l’auteur s’est proposé d’ouvrir une voie en partie nouvelle aux études mythologiques peuvent fournir des renseignements très utiles à ceux qui s’occupent de la philosophie indoue ou, dans l’antiquité grecque, de la philosophie platonicienne et stoïcienne.

Jul. Duboc. Kant et l’Eudémonisme. — L’auteur combat la théorie kantienne de la liberté de la raison par rapport aux déterminations des impulsions sensibles. Il soutient que l’homme est un composé d’impulsions (Triebwerk), que le plaisir est la satisfaction de la tendance (Triebeserfüllung). Il explique qu’au point de vue eudémonique il peut y avoir réellement des actions réglées par la conscience.

H. Steinthal. après avoir cité quelques passages d’un autre article de Duboc pour mieux marquer ses tendances eudémoniques, soutient que la morale est indépendante de la physique et de l’histoire, puis il combat successivement les trois points principaux de la théorie exposée par Duboc ; il termine par l’énonciation d’un certain nombre de propositions qui lui paraissent démontrées et qu’après Kant et Herbart il a développées dans son Ethik.