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ANALYSES.g. cesca. La dottrina Kantiana dell’a priori.

dans un examen complet de la doctrine de Kant. Il étudie successivement les bases, les diverses parties, l’origine, la signification, la méthode : le critérium et les prémisses de cette doctrine ; la valeur des arguments proposés en faveur de la double a priorité de la connaissance, de la forme et des différentes formes, l’espace, le temps, etc. La conclusion de notre critique est franche et catégorique : « doctrine insoutenable ».

Le jugement est sévère : est-il juste ? Le lecteur en jugera par les considérants exposés aussi brièvement que possible. La seule chose que Kant, d’après M. Cesca, soit parvenu à prouver, est la priorité du temps et de l’espace, et du principe fondamental des analogies de l’expérience. Encore cette priorité n’est-elle pas absolue : rien d’apriorique en elle. Elle est seulement relative à notre connaissance développée, si bien que ce fait vrai ne peut fournir aucun appui à la doctrine kantienne, Kant, en effet, n’a pas voulu faire une œuvre de psychologie, et moins encore de psychogénie. Il prit la pensée telle qu’il la trouva dans l’homme blanc, civilisé et adulte, et, dans cette pensée développée, il chercha la part de l’expérience externe et celle de l’activité de l’esprit. La priorité ainsi déterminée ne vaut pas pour toute conscience, mais seulement pour la conscience cultivée, à laquelle la psychogénie nous interdit de nous borner. Cette science nous a montré que notre pensée n’est que le dernier anneau d’une très longue évolution psychique, et que les formes en vertu de la loi intellectuelle et de l’hérédité sont devenues organiques, et sont par conséquent a priori seulement pour l’individu développé.

Il ne faut pas conclure de là qu’il n’y ait rien d’a priori dans l’esprit humain. En effet, si toutes les formes énumérées par Kant ne sont pas telles, il reste pourtant toujours cette forme a priori : l’unité synthétique de la conscience. Cette vérité fut entrevue par Kant dans sa déduction transcendantale, où, pour montrer la valeur objective des catégories, il donne l’aperception comme une chose commune à toutes les formes. Cette vue, ébauchée par Kant, fut confirmée par l’analyse des formes : les nouvelles écoles critiques montrèrent qu’elles dérivent de l’expérience et de l’unité de conscience. L’examen de M. Cesca sur la doctrine kantienne aboutit à ces quatre déclarations : 1o On ne peut admettre une connaissance a priori ; 2o on ne peut admettre les nombreuses formes a priori de la sensibilité et de l’esprit ; 3o temps, espace et causalité ont une priorité relative à notre conscience développée ; 4o l’unique forme a priori de l’esprit est l’unité synthétique de la conscience.

Il reste à faire la part du néo-kantisme et celle du nouveau criticisme. Le premier a eu raison de répudier la connaissance a priori, et le second d’admettre une seule forme a priori, l’unité de conscience. Inutile d’ajouter que M. Cesca donne sa complète adhésion au nouveau criticisme : il nous l’a dit plus d’une fois dans le premier livre que nous avons examiné, et aussi dans tous les livres que nous avons déjà eus de lui. Je ne sais si sa pensée ne gagnerait pas en force et en intérêt à se répéter moins souvent.