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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/149

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A. BINET.le fétichisme dans l’amour

rien d’apparent, de bruyant ; il ne pousse pas les sujets à des actes extravagants, comme à couper des cheveux de femme ou à voler des tabliers blancs ; mais il n’en existe pas moins, et c’est peut-être lui qui contient le secret des amours étranges et des mariages qui étonnent le monde. Un homme riche, distingué, intelligent épouse une femme sans jeunesse, ni beauté, ni esprit, ni rien de ce qui attire la généralité des hommes ; il y a peut-être dans ces unions une sympathie d’odeur ou quelque chose d’analogue ; c’est du petit fétichisme.

Il sera donc intéressant pour chacun de nous de s’interroger, de se disséquer et d’examiner ce qu’il éprouve, pour comparer ses sentiments et ses goûts aux sentiments et aux goûts des grands fétichistes dont nous allons brosser le portrait. Aussi notre étude est-elle probablement plus intéressante par ce qu’elle suggère que par ce qu’elle dit.

En essayant d’englober tant de faits dans une même formule, nous arrivons à donner au mot fétichisme un sens inusité ; à la lettre, il ne s’applique qu’à certaines de nos perversions, aux plus accusées ; les vrais fétichistes, ce sont les amants des clous de bottines ou des tabliers blancs ; mais si nous forçons les termes, c’est que nous sommes en présence d’une famille naturelle de perversions, et qu’il y a un intérêt majeur à donner à cette famille un nom unique.

Nous arrivons ainsi à grouper ensemble un grand nombre de faits ; quelques-uns sont déjà connus ; mais on s’est borné jusqu’ici à des observations isolées ; on n’a pas vu l’ensemble de la question ; on n’a pas saisi la généralité du phénomène. C’est cette synthèse que nous allons essayer. Nous nous proposons d’établir dans la classification symptomatique des folies génitales un genre nouveau, auquel nous donnons le nom de fétichisme.

Dans un récent article sur la folie érotique[1], M. Ball propose de soumettre à la classification suivante les manifestations multiples de cette folie.

Érotomanie ou folie de l’amour chaste.
Excitation sexuelle 

1o Forme aphrodisiaque,
2o obscène,
3o hallucinatoire,
4o Satyriasis ou nymphomanie.

Perversion sexuelle 

1o Sanguinaires,
2o Nécrophiles,
3o Pédérastes,
4o Intervertis.

Si l’on accepte cette classification, qui est purement symptoma-

  1. Encéphale, 1887, p. 190.