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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/205

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ANALYSES.ch. féré. Sensation et mouvement.

ainsi dire, en passant et par allusion, et le lecteur, frappé d’abord par quelque remarque curieuse, est à chaque instant désappointé par la rapidité avec laquelle l’auteur abandonne tous les sujets. M. Féré soutiendra-t-il sérieusement, pour ne pas parler des questions trop étrangères au sujet, que la petite excitation produite par l’attouchement de la main ou du front détermine un épuisement suffisant pour expliquer cinq ou six heures de sommeil hypnotique ? Une femme hystérique que j’endormais très facilement tomba dernièrement dans un escalier ; cette chute, qui fut très grave, amena un ébranlement nerveux et un épuisement considérable ; cependant, elle ne s’endormit pas. Quand je vins plus tard, il suffit de la toucher pour la plonger dans le sommeil le plus complet. Il y a autre chose dans le somnambulisme qu’un simple épuisement, et il en est ainsi pour beaucoup des questions que l’auteur traite en passant ses allusions sont suggestives, mais elles sont très incomplètes.

J’aime mieux revenir sur l’étude principale, celle des rapports entre les excitations psychiques et l’état dynamique ou la force motrice du sujet. Les expériences de M. Féré permettent de comprendre fort bien « l’état d’équilibre instable dans lequel se trouvent les individus dégénérés » ; leur force ou mieux leur réserve de force étant insuffisante, ils sont sensibles à toutes les excitations dynamogènes venues du dehors, et ils réagissent immédiatement. Ne pourrait-on expliquer par là l’influence heureuse et tonique pour ainsi dire que certains magnétiseurs prétendent exercer sur leurs sujets et quelques actions des passes magnétiques ? M. Féré me permettra de rapporter à l’occasion de son travail une observation fort curieuse qui m’a été communiquée il y a déjà longtemps et qui me semblait autrefois inexplicable. M. le Dr Gibert fut appelé vers 1863 auprès de Mme X…, jeune femme de vingt-deux ans, atteinte d’une maladie nerveuse fort étrange. Sans avoir eu d’accidents préalables, elle se plaignit d’abord d’une douleur ovarienne droite et d’une douleur très pénible aux tempes ; il était facile de constater en même temps l’anesthésie de tout le côté gauche et différents points hyperesthésiques. Bientôt ses paupières tombent sans que la malade puisse les relever, puis, les muscles masséters se contractent et la bouche ne peut plus s’ouvrir. En huit jours, tous les muscles du corps se sont contracturés successivement et la malade reste perpétuellement la nuit comme le jour immobile et raide comme une barre de fer. Je passe sur les détails médicaux et la peine que l’on eut pour nourrir la malade par la sonde. Après bien des tentatives inutiles et sur le conseil du Dr Morel de Rouen on essaya l’influence du magnétisme. Après une heure de passes, la malade ne s’endort pas, mais se décontracture peu à peu, ouvre les yeux, peut manger, parler et marcher. Malheureusement, au bout de deux heures, toutes les contractures reparaissent dans le même ordre où elles se sont produites. Pendant quelques jours, les passes eurent un résultat analogue, mais leur puissance s’épuisa entièrement et elles ne produisirent plus aucune détente. Un hasard fit