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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/440

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Mais outre cela nous reconnaissons, à ce qu’ajoute à présent l’auteur, quelque chose de plus que la simple dépendance, c’est-à-dire que l’intensité, la violence du mouvement dépend de l’intensité de l’impulsion de la volonté. Quand je veux lancer une pierre, il me faut, dit-il, imprimer à mes muscles une plus forte impulsion, il me faut intérieurement faire un plus grand effort de volonté que quand je ne fais que poser une lettre sur ma table.

J’apprends donc que l’intensité du mouvement musculaire dépend de celle qui est transmise intérieurement aux muscles.

Nous faisons dès notre enfance l’expérience que nos mouvements musculaires peuvent être transmis aux corps du monde extérieur, et cette expérience nous apprend aussi que l’intensité de ce mouvement dépend — cæteris paribus — de celle qui est, transmise à ce corps du monde extérieur.

Puis donc que nous savons que nos muscles ne se meuvent que quand il leur est transmis des impulsions volontaires, que les corps inertes qui nous entourent entrent en mouvement quand nous leur transmettons ceux de nos muscles, que l’intensité enfin des mouvements qui leur sont communiqués dépend de celle qui leur est transmise, nous arrivons à savoir qu’un corps se meut par le mouvement qui lui est transmis.

Quand je vois un homme se mouvoir, je lui attribue aussi une volonté, c’est-à-dire que je transfère la cause (la volonté) de ses mouvements en lui-même. Même processus psychique se passe en moi ; quand j’aperçois les mouvements d’un animal, je leur attribue une cause intérieure (volonté ou instinct), et quand enfin nous percevons des mouvements qui ne procèdent d’aucun être vivant, nous les attribuons pourtant à quelque volonté. C’est ainsi que les hommes étaient enclins à attribuer comme cause de certains phénomènes de la nature, comme le tonnerre, les éclairs, le vent, etc., la volonté de dieux spéciaux. Et c’est ainsi que partout où il apercevait des mouvements provenant de causes inconnues, il les attribuait à des esprits, c’est-à-dire à des centres de volonté, semblable à celle de l’homme.

La science a mis des « forces » à la place des dieux spéciaux et des esprits. À l’origine, on ne savait guère plus de beaucoup de forces que des esprits, car une « force » n’est autre chose que la cause d’un mouvement. Tant que l’on a attribué aux esprits la cause inconnue des phénomènes, il n’y avait pas de voie ouverte à l’investigation ; on ne peut rechercher la cause d’esprits qui échappent à nos sens et se soustraient à notre influence. Mais en nommant « forces » les causes inconnues, la science a ouvert des voies à l’investigation. On peut faire des observations sur les forces et sur leurs causes, et l’investigation nous a, en effet, fourni de surprenants renseignements sur leur nature.

Les forces ne sont autre chose que les causes des mouvements, qui ne peuvent, à leur tour, être que des mouvements.

La loi de la conservation des forces nous apprend que le mouvement