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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/19

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ch. dunan. — le problème de la vie

distincte en soi de la première ; qu’il ne nous est jamais permis de poser l’inintelligible comme réel, c’est-à-dire comme existant dans la sphère des sens et de l’entendement ; et qu’enfin les mêmes raisons qui servent à établir que la mécanique céleste universelle ne peut être objet de conception pour aucune intelligence serviraient également bien à prouver qu’elle ne peut exister en ellemême. Mais, à ce compte, toute la mécanique céleste n’est donc qu’un rêve ? Non, ce n’est pas un rêve, mais c’est une vérité qui n’est que relative ; et c’est pourquoi il nous est interdit de l’élever à l’absolu en lui donnant la forme de l’universalité.

Si l’ensemble des relations mécaniques des corps sidéraux considéré comme une somme totalisable soit par un entendement quelconque, soit par la nature elle-même, est une conception chimérique, il est clair que la même chose est vraie, à plus forte raison, des relations mécaniques qui existent entre les parcelles élémentaires de la matière universelle. Mais voici qui doit, ce semble, lever tous les doutes qu’on pourrait conserver à cet égard. Lorsqu’on parle d’un mécanisme universel, on fait naturellement entrer dans ce mécanisme, à titre de parties intégrantes, tous les mouvements que nos sens perçoivent, et ceux qu’ils pourraient percevoir s’ils avaient plus d’acuité. Or il n’est pas difficile, croyons-nous, de prouver que tous les mouvements perceptibles à nos sens, tous les mouvements imperceptibles, et cependant réels, qui se traduisent dans le langage de notre sensibilité par les qualités secondes de la matière, et enfin tout mouvement effectif quel qu’il soit, d’une amplitude si faible qu’on le voudra, doivent être mis en dehors du mécanisme universel ; de sorte qu’un tel mécanisme serait proprement un mécanisme sans mouvements.

Par exemple, le mouvement d’un astre peut-il être considéré comme l’un des mouvements qui constituent cette mécanique universelle, dont nous devons pour un moment accepter l’existence à titre d’hypothèse servant de base au raisonnement ? Nous disons qu’il ne le peut pas, et voici pourquoi. Si l’on admet la mécanique universelle, on est naturellement contraint d’admettre que tous les mouvements qui se produisent dans l’univers sont connexes entre eux ; de sorte que, parmi tous ces mouvements, il doit être impossible d’en trouver deux qui soient l’un à l’égard de l’autre dans un état d’indépendance absolue. Or il est évident que le cas de l’indépendance absolue est au contraire extrêmement fréquent par rapport aux mouvements qui ont lieu dans la nature. Ainsi, on peut bien dire, à la vérité, que les mouvements dont la terre est animée sont nécessaires à la vie des végétaux et à celle des animaux, en ce