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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/262

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teau sur le lit indiqué. Heureusement la victime désignée était simplement un mannequin, donnant l’illusion d’une malade couchée. Le sujet avait reçu la suggestion de ne pas se souvenir de l’ordre donné, et malgré leur insistance, les magistrats ne purent obtenir de lui l’aveu de l’acte, ni le nom du complice qui lui avait donne la suggestion.

Deux incendies, suggérés dans des conditions analogues, furent allumés, à l’heure et au lieu désignés dans la suggestion, et cela avec la plus parfaite inconscience et l’automatisme le plus complet.

M. le Dr Voisin conclut de ces expériences « Il est donc à craindre en présence de faits semblables, que la possibilité des suggestions criminelles ne soit plus discutée par personne, pas même par les esprits les plus prévenus[1], et que la constatation en soit bientôt faite dans l’ordre judiciaire, après avoir été indiquée au point de vue expérimental. »

On nous oppose toujours, — et M. le Procureur général Quesnay de Beaurepaire m’a spécialement opposé, dans un procès célèbre, — que, à la Salpêtrière, M. Charcot et ses élèves sont très loin de partager les idées développées par l’École de Nancy, non seulement en matière de suggestions thérapeutiques, mais encore de suggestions criminelles. La place me manque, en ce moment, pour discuter en détail les objections faites à notre doctrine : je le ferai dans une étude que je compte consacrer prochainement aux affaires Chambige, Weiss et Gouffé.

Je me bornerai, pour aujourd’hui, à invoquer à l’appui de ma thèse l’opinion de savants dont le nom fait autorité : MM. Déjerine, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris ; le Dr Proust, professeur à la même faculté, secrétaire de l’Académie de médecine ; et Ch. Féré, médecin de Bicêtre.

M. Déjerine s’est demandé à quoi peut tenir la différence de vues si profonde qui sépare les deux écoles hypnotiques de Nancy et de la Salpêtrière. Après avoir reconnu que, à l’étranger, les idées de MM. Liébeault et Bernheim, sur la thérapeutique suggestive, ont été adoptées par la majorité des médecins qui s’occupent d’hypnotisme, M. le De Déjerine ajoute

« Est-ce à une différence dans le modus faciendi des opérateurs, comme l’admet M. Bernheim, et les phases du grand hypnotisme ne seraient-elles autre chose que le résultat de suggestions pratiquées inconsciemment par la parole ou les gestes de l’expérimentateur ?…

  1. Peut-être cette confiance est-elle encore excessive ? (J. L.)