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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/431

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REVUE GÉNÉRALE. — le spiritisme contemporain

ces religieux encore bien convaincus et bien sincères, qui n’ont plus le courage d’exposer les idoles aux railleries des profanes. Ils se disent en eux-mêmes, tout à fait inconsciemment eux aussi : « Ne parlons plus d’attaques de nerfs, de contractures, d’insensibilité, de troubles de la mémoire, de mouvements inconscients ; ces détails doivent être réservés pour les croyants qui n’en sont pas troublés ; mais ils donnent trop à penser aux curieux et aux incrédules. » Le plus singulier, c’est que les lecteurs mêmes de ces Revues font la même remarque que moi et qu’ils s’en plaignent amèrement. Un excellent spirite s’étonne au congrès qu’on ne raconte plus assez de séances d’incorporations d’esprits qui étaient autrefois si probantes[1]. On ne s’est pas préoccupé de ses réclamations ; si l’on me le permettait, je pourrais lui répondre ; je lui dirais : « Monsieur, vous avez parfaitement raison, on ne nous décrit plus des médiums qui changent subitement d’attitude et de langage, qui représentent à s’y méprendre un autre personnage si bien qu’un esprit semble s’être incarné en eux. Cela est bien fâcheux, car ces descriptions étaient fort amusantes mais cette disparition peut s’expliquer. Un professeur de physiologie, que vous ne connaissez probablement pas, M. Ch. Richet, s’est permis de reproduire et d’interpréter ces comédies jouées par le médium ; il a démontré d’une manière fort vraisemblable qu’il s’agissait là d’une variété d’hallucinations somnambuliques. Et aujourd’hui on pourrait expliquer tous les détails de vos anciennes incarnations sans faire intervenir le plus petit esprit. Sans doute, vous pouvez vous rassurer, jamais les spirites ne conviendront de cela. Mais ils se sentent gênés, inquiets, ils n’osent plus recommencer de semblables peintures, sans donner au moins un semblant de discussion. Or, cela est difficile et ils aiment mieux se taire, c’est peut-être plus prudent. » Cette prudence est d’ailleurs exprimée dans différents passages. Il faut se défier, dit un membre du congrès, « de ces phénomènes spiritiques où les répercussions mentales inconscientes ou automatiques peuvent se trouver en jeu… elles expliquent souvent les échecs, les banalités désespérantes que vous obtenez sous le couvert d’un Voltaire ou d’un Hugo[2]. » Dans la Vie posthume[3] nous lisons une histoire bien instructive. Dans une famille un jeune enfant présente des phénomènes médianimiques, le père plein d’enthousiasme veut les développer ; la mère, guidée par son instinct, les croit dangereux et s’y oppose. On consulte un spirite de renom et, le croirait-on, le spirite donne raison à la mère. Malgré leur indifférence affectée, les spirites ont subi l’influence des recherches psychologiques et se sont profondément modifiés.

Aussi pouvons-nous à peine signaler quelques faits psychologiques intéressants recueillis çà et là dans leurs œuvres. On raconte au

  1. Congrès spirite, 205.
  2. Congrès spirite, ibid., 2159.
  3. Vie posthume, avril 1886.