Aller au contenu

Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/450

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
revue philosophique

Hans Schmidkunz. Psychologie der suggestion, etc. Stuttgart, Encke, 1892, 425 p. in-8o.

L’ouvrage de M. H. S. (de Norvège) offre un exposé complet, je ne dirai pas des faits, mais des notions principales acquises dans le groupe de recherches expérimentales que l’auteur désigne sous le titre de suggestion, et surtout, peut-être, des problèmes dont la suggestion serait appelée à donner la clef. Selon lui, en effet, la suggestion est le phénomène central de tout le groupe des sciences dites hypnotiques, et un phénomène tellement considérable, si gros de solutions inattendues, que Liébeault, à qui l’on en doit vraiment la découverte, n’aurait pas fait au monde, déclare M. H. S., un don moins précieux qu’un Newton ou un Leibniz.

L’ouvrage est divisé en quatre parties. Dans la première, M. H. S. décrit la suggestion elle-même, suggestion par les objets, par les personnes, auto-suggestion et états suggestifs ; dans la deuxième, il décrit l’hypnose en soi et dans ses rapports avec les procédés de la suggestion et les états du sujet dans la troisième, il essaye d’expliquer la suggestion, et il montre enfin, dans la quatrième, les applications très diverses qui en peuvent être faites, les ressources qu’on en peut tirer dans la théorie et dans la pratique. Les pages de psychologie médicale sont dues au Dr F. C. Gerster, de Munich, ou du moins elles ont été revisées par lui.

L’annonce d’une explication pourrait sembler ambitieuse. Aussi convient-il de dire comment l’entend M. H. S. Il ne se flatte que de décrire les faits avec exactitude. Ce que nous offrent tous les phénomènes de la suggestion, c’est « la réalisation d’une image psychique ». Etudier les causes qui concourent à produire la suggestion ou collaborent avec elle, c’est se mettre en état d’expliquer le phénomène entier. On lira, je pense, avec intérêt, les pages consacrées par l’auteur à cette étude déjà assez avancée. Notons-le tout de suite, il ne répugne pas à accepter la suggestion mentale, et à justifier l’action à distance par l’hypothèse d’un fluide ambiant, d’une sorte d’atmosphère dynamique émanant de l’individu. L’action à distance, selon lui, n’a rien d’impossible ; elle dénonce seulement l’insuffisance de notre conception matérialiste du monde.

Eu égard à la psychologie, M. H. S. espère beaucoup des expériences d’hypnotisme. Elles feront passer, nous dit-il, la psychologie de la dispersion analytique à l’unité synthétique. Les états qui mènent de la santé à la maladie sont continus. Si l’on admet la théorie du « suggestionisme », — dont les hypnoses, les suggestions hypnotiques représenteraient des états spéciaux, — la suggestion les pourra relier les uns aux autres, comme l’électricité ou la gravitation relient un grand nombre de phénomènes physiques.

Dans la question de l’âme, notre auteur s’engage à fond. L’hypnotisme lui paraît avoir pour résultat de tirer l’âme de son état de servante pour l’élever à l’indépendance spirituelle. Elle n’y parviendrait