Aller au contenu

Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
travaux du laboratoire de psychologie physiologique

devancée par le mouvement de la main, sans que nous ayons pu mesurer l’intervalle de temps qui s’écoule entre ces deux actes.

Le temps moyen pour les suggestions de couleur a été de 0″, 34 (temps calculé sur 78 expériences). Le temps est beaucoup plus court que celui que nous avons obtenu par les méthodes précédentes ; il ne faut pas y attacher trop d’importance, puisqu’il est altéré, comme nous venons de le dire, par une erreur difficile à apprécier. Néanmoins, il est intéressant de comparer entre eux les temps de suggestion des différentes couleurs, qui composent cette moyenne. Ce sont pour l’A, 0″, 297 pour l’E, 0″, 404 pour l’O, 0″, 354 ; pour l’I, 0″, 3379 ; pour l’U, 0″, 3416. Il résulte de ces chiffres que les temps ont été sensiblement les mêmes pour l’I, l’O et l’U ; ils ont atteint un maximum pour l’E, et un minimum pour l’A.

Il faut se rappeler à ce propos que, d’après le témoignage du sujet, la lettre A lui donne l’impression du rouge, et que cette couleur rouge est la plus nette et la plus vive de toutes celles qui figurent dans son audition colorée. L’expérience directe semble confirmer le témoignage du sujet, puisqu’elle nous montre que le temps de suggestion est plus rapide pour la lettre A que pour les autres voyelles.

II

La seconde personne chez laquelle nous avons étudié le phénomène de l’audition colorée, est une jeune fille, Mlle R… aquarelliste de profession. Avant de se soumettre à nos observations, elle n’avait jamais entendu parler, dit-elle, de l’audition colorée ; et ce fut par hasard qu’un jour, causant avec l’un de nous, elle lui demanda pourquoi elle voyait des couleurs quand elle entendait parler. Voici la liste des couleurs qui apparaissent à Mlle R. A… la différence de M. X…, Mlle R… n’a pas seulement des idées de couleur à propos de certaines lettres, mais la lettre même apparaît colorée.

L’I lui paraît rouge vif, vermillon, et se détache sur un fond qui présente des rayons rouges moins foncés. L’O est d’un rouge très foncé, presque noir ; il se détache sur une plaque rouge plus claire, de forme indistincte. L’U est plutôt noir sur un fond gris clair, à contours indistincts. L’E paraît d’un gris bleu très clair, un peu plus foncé que le fond. L’A est effacé, sur un fond blanc brillant, un peu jaunâtre. Les consonnes présentent des teintes moins vives et moins caractéristiques. Elles sont généralement grisâtres, d’un gris violet. G, x, y sont légèrement colorées en brun rouge, parce que, dit Mlle R… ces lettres ont un son commun avec l’I. La lettre g est quelquefois jaune très pâle, mais quinze fois sur vingt elle passe inaperçue et rentre dans les tons gris.

La vision de ces couleurs est si nette chez Mlle R… qu’elle a pu les reproduire dans des aquarelles que nous conservons au laboratoire ;