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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/516

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actes et de leurs suites, on doit le blâmer ou le louer aussi bien que l’envier ou le plaindre.

Ce que je viens de dire de la société et de l’homme peut s’étendre aux rapports de la société avec certains groupes sociaux secondaires : administrations de l’État, administrations plus ou moins indépendantes du gouvernement, sociétés de coopération, académies, familles, communes, etc. Les principes généraux étant les mêmes, leur application théorique n’offre pas de grandes difficultés et l’examen des questions qu’elle soulève compliquerait et surtout allongerait cette étude sans grand profit. Les lois en seraient toujours celles que nous avons développées et qu’on peut formuler ainsi : La responsabilité sociale et la responsabilité de la personne, eu égard aux actes individuels, sont respectivement proportionnelles au degré de systématisation de la société et de l’individu et au degré de cohérence des actes de l’individu avec l’ensemble des systèmes psychiques qui constituent l’individu et avec l’ensemble des systèmes sociaux qui constituent la société, sans que jamais, soit la responsabilité psychique, soit la responsabilité sociale, puisse être annulée. D’une manière générale la responsabilité individuelle est inversement proportionnelle à la responsabilité sociale ; cependant dans les cas où l’individu et la société sont des touts aussi bien systématisés l’un que l’autre et où les actes de l’individu sont en accord téléologique avec les actes sociaux, a responsabilité est commune sans être diminuée pour l’un ou pour l’autre.

§  3. Au lieu de considérer les actes de l’individu nous pouvons considérer les actes sociaux. Cette étude, au reste, ne nous retiendra pas longtemps. Les faits, ici, ressemblent à ceux que nous avons examinés tout à l’heure en traitant de la responsabilité des systèmes psychiques dans les actes de l’individu. L’individu a d’autant plus de responsabilité que le système social est moins bien coordonné, il en a d’autant moins que le système social l’est mieux. Un fonctionnaire qui agit selon l’ordre de ses supérieurs, d’accord avec l’esprit public, dans un sens indiqué par l’ensemble des faits sociaux, assume moins de responsabilité que s’il agit de son propre mouvement et de manière à blesser certains intérêts. Dans ce dernier cas, nous lui attribuerons plus de mérite individuel s’il a bien agi, si c’est lui qui avait raison, plus de démérite s’il a tort, mais la responsabilité de l’ensemble nous paraîtra relativement effacée. De plus, la responsabilité de l’individu est proportionnelle à son degré d’importance dans l’organisme collectif. La faute d’un ministre ou d’un préfet est plus grave que celle d’un cantonnier s’il fait mal, son mérite est plus éclatant